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PROCHAINS MATCHS

Chaos au Riviera : Retour sur une soirée inacceptable

Alors que l’OGC Nice recevait l’OM hier soir à l’Allianz-Riviera, ce qui s’annonçait comme un gros choc sportif a finalement dégénéré en rixe générale. À la suite d’un envahissement de terrain des membres de la Brigade Sud, et de l’agression de joueurs et personnels du staff olympien, le match a été suspendu. En réaction, l’OM n’a pas souhaité reprendre la rencontre dans ce climat hostile et violent. Ainsi, le match a été définitivement interrompu, retour et analyse d’une soirée catastrophique.

Le déroulé d’une soirée chaotique

Le contexte

La rencontre d’hier soir s’annonçait d’emblée comme un choc. Avec deux potentiels concurrents à la lutte pour les premières places, et un derby du sud. Aussi, nul doute que l’accueil des Olympiens allait être chaleureux et folklorique comme le veut la tradition des derbys. Cependant, l’ambiance, d’abord légitimement inhospitalière des Niçois, s’est progressivement détériorée et a fini par virer à l’hostilité ouverte.

Une tension croissante

Alors que les hommes de Sampaoli et de Galtier se livrent un duel tactique acharné, la tension monte dans le stade. Pour cause, les Niçois ont ouvert la marque. L’OM doit se montrer plus entreprenant en cette seconde période s’il veut arracher au moins le point du match nul. Contre un adversaire coriace, l’OM bute et peine à dominer. Avantage pour les Niçois. Cependant, alors que Nice mène, des projectiles essaiment sur la pelouse lorsque Payet se présente au poteau de corner face à la Tribune Populaire Sud.

Il est passablement agacé, et surtout gêné pour tirer son corner. Celui-ci prend méthodiquement le temps de dégager la pelouse des différentes bouteilles. Les Marseillais sont gênés et ces jets entaillent le rythme du match, puisqu’il faut ramasser les déchets. L’air s’électrise. À ce stade, le speaker niçois réclame de l’ordre et la cessation des jets sur la pelouse. Cependant, rien n’y fait et quelques minutes plus tard alors que ce même Payet se déplace vers ce même poteau de corner, une bouteille remplie l’atteint et éclate sur son dos. Le numéro 10 marseillais s’effondre.

Les heurts

L’histoire de Montpellier survenue deux journées plus tôt semble se répéter. Un joueur marseillais est violemment atteint par un projectile dangereux lancé depuis le kop adverse. C’en est trop pour le cadre de l’équipe olympienne dont le sang ne fait qu’un tour. Dans un accès de colère, celui-ci se relève, saisit une bouteille et la renvoie en direction de la Brigade Sud. Puis, en tire une seconde. Le virage explose et les supporters commencent à descendre et à s’agglutiner contre les barrières publicitaires. Les agents de sécurité tentent de former un cordon afin de prévenir toute intrusion sur le terrain. Mais il est déjà trop tard.

Joueurs, staff, supporters, agents de sécurité, tous se retrouvent en face des cages de Benitez dans une échauffourée générale. Celle-ci vire rapidement au pugilat, des coups sont échangés de part et d’autre. Álvaro tente de s’imposer seul contre une dizaine de Niçois furieux qui foncent sur les joueurs. Sampaoli explose de rage dans la mêlée, et doit être retenu. Tout ce monde se bouscule et se bat franchement, sans que personne ne puisse être en mesure de calmer quoi que ce soit. À ce stade, une masse de personnes occupe la moitié de terrain niçoise et s’agite. Cela nous donnant ainsi à voir une scène surréaliste, quoique bien pathétique, de bagarre générale. Benoît Bastien décide de suspendre la rencontre à la 76ème minute.

Image édifiante d’un Niçois descendu agresser Gerson.

Retour au vestiaire

Puis, petit à petit, les supporters niçois sont repoussés dans leur tribune et les joueurs vers le vestiaire. Le bilan est déplorable côté marseillais. Payet porte une grosse trace de l’impact de la bouteille qu’il a reçu dans le dos. Guendouzi et Peres de leurs côtés sont également marqués. Le premier a des traces de strangulation et le second est marqué à l’épaule jusqu’au sang. Sampaoli de son côté enrage contre les officiels de la ligue et du club azuréen. Au côté de Pablo Longoria, il s’insurge de manière véhémente contre le comportement inadmissible des Niçois et déplore l’agression dont l’équipe a été victime. En face, personne ne semble vraiment réagir.

Sampaoli a du être retenu dans la mêlée.

L’attente

Plus tard, alors que chaque équipe est reconduite dans son vestiaire respectif, chacune est suspendue à la décision de l’arbitre concernant une reprise ou non du match. Commence alors à s’écouler un temps d’attente pénible durant lequel les officiels étudieront la possibilité de reprendre la partie. Une cellule de crise est montée, Longoria et Rivère discutent, les vidéos sont re-visionnées afin d’établir les responsabilités. Pendant ce temps, les commentateurs tentent, tant bien que mal, de meubler en attendant qu’une décision soit prise.

Sur la pelouse, une compagnie de policiers anti-émeute arrive enfin, quoique tardivement, sur place afin d’assurer le maintien de l’ordre. On voit également Rivère descendre sur le terrain afin de demander à la Brigade Sud de se calmer. Au bout d’une heure d’attente, la préfecture de police estime que les conditions de sécurité sont belles et biens réunies afin de poursuivre la rencontre. L’arbitre décide alors, en accord avec le délégué de la LFP présent sur place, de la reprise du match.

Le refus marseillais

On voit ainsi rentrer les joueurs niçois fouler la pelouse et procéder à l’échauffement, seuls. Petit à petit, on comprend par l’intermédiaire des informations du diffuseur, que les Marseillais, outrés par l’agression qu’ils viennent de subir et craignant pour leur sécurité, ne souhaitent pas reprendre la rencontre dans de telles conditions. Benoît Bastien pénètre ensuite sur le terrain, accompagné de ses assistants. Et conformément à un protocole mandarin incroyable, celui-ci replace le ballon dans le corner en attente des joueurs marseillais. Les Niçois aussi interloqués que le reste du stade, qui ont compris que la rencontre ne se tiendraient plus, se plient cependant à la comédie et se placent en face de leur but. Les Marseillais ne se présentant pas, Benoît Bastien acte bien leur absence et siffle l’interruption définitive du match.

Un match controversé

Deux versions divergentes

À la sortie du match les présidents des deux clubs respectifs communiquent et font naître la polémique. En effet, en conférence de presse, conformément aux informations du diffuseur, Rivère prétend que les officiels, en dépit d’une hésitation de l’arbitre, auraient été tous d’accord afin de faire reprendre la rencontre. Pourtant, dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux s’adressant directement aux Marseillais, Longoria soutient une version différente. Avancée également par le journaliste à La Provence, Jérémy Tordjman, la préfecture aurait demandé, en accord avec la LFP et contre la volonté de Benoît Bastien, de faire reprendre le match pour des raisons d’ordre public.

En d’autres termes, afin d’éviter d’hypothétiques débordements violents supplémentaires liés à une éventuelle annulation du match, la préfecture et la Ligue auraient décidé de faire reprendre le match, alors que l’arbitre aurait émis des réserves sur la validité de celle-ci. Ainsi, au cœur de cette polémique, il y a deux enjeux. Tout d’abord, une des deux versions des faits est, si ce n’est mensongère, au moins largement réinterprétée, et enfin, il y a une conception du maintien de l’ordre public qui nous amène sur une deuxième controverse qui est cette fois-ci sécuritaire.

La sécurité du match

En effet, alors que se tenait un match de Ligue 1 dans un des cinq championnats majeurs européen, un envahissement de terrain violent a eu lieu sur la pelouse d’un club important du championnat. Cela pose donc évidemment la question de la qualité de la sécurité du club qui accueillait l’OM ce soir. Lorsque le débordement, à proprement parler, de la tribune sur la pelouse a eu lieu, les stadiers n’ont clairement pas été en mesure de réfréner le mouvement de foule. De fait, des supporters furieux ont pu se retrouver au contact des joueurs sans que personne n’ait réussi à s’interposer. Il en va de même pour le dispositif de police qui ne s’est trouvé présent qu’après coup. Celui-ci n’a donc pas pu intervenir au moment crucial.

Alors que le supporter de football souffre déjà regrettablement de préjugés criminalisants, n’est-il pas étonnant de voir les autorités absentes lorsque celui-ci devient effectivement un criminel ? Enfin, bien que Rivère ait prétendu avoir obtenu des garanties de la part de la Brigade Sud, dans quelle mesure la sécurité aurait-elle pu être réellement être maintenue, alors que pour que celle-ci soit effectivement possible des policiers en armure ont du investir le stade ?

Au fond, n’y a t-il pas une obstination persistante à vouloir faire jouer ce match qui outrepasserait le motif de l’ordre public ? En d’autres termes, si la sécurité n’est pas garantie à l’origine du match et que les supporters sont manifestement hostiles, n’est-il pas préférable de simplement interrompre ce dernier afin de ne pas risquer un nouveau débordement, en dépit des renforts arrivés sur le tard ? Cela nous amènera à considérer le problème de la défaite sur tapis vert, qui pourrait être le motif de cette volonté des autorités à vouloir faire jouer le match.

La police sur place afin d’encadrer la Brigade Sud.

Le problème du tapis vert

Le cas bastiais

De fait, si la question sécuritaire se mêle à l’issue du résultat administratif et compétitif du match, c’est parce que depuis l’interruption du match plane le risque de la défaite sur tapis vert. Autrement dit, une défaite administrative comptabilisée par un 3-0 pour le déclaré perdant. En la matière, nous avons en tête l’exemple bastiais de 2017, contre Lyon. Les Bastiais, pour des faits similaires, avec un envahissement de terrain violent, avaient écopé d’une défaite sur tapis vert. En n’interrompant pas le match et en n’infligeant pas de défaite sur tapis vert automatique aux Niçois, les autorités se refusent à assimiler les deux évènements.

La stratégie Longoria : « créer un précédent »

Dès lors, ce serait en ce sens que le match n’aurait pas pu reprendre. Le motif vague « question d’ordre public » (rapporté par Longoria tel quel), entend que le match doit reprendre sinon l’ordre public ne saurait être maintenu compte tenu de la virulence des supporters, en cas d’annonce de défaite sur tapis vert. On peut donc légitimement se demander si la pression des supporters niçois n’a pas contraint les autorités et la LFP à faire continuer le match en dépit d’un climat ouvertement hostile et violent.

C’est en tout cas en ce sens que Pablo Longoria a décidé de justifier la non-poursuite du match. Le climat du stade étant de fait reconnu comme hostile et violent, celui-ci a considéré que la sécurité était de toute façon insuffisante. De fait, l’OM ne se présentant pas à la reprise laisse à la Commission des Compétitions le soin d’évaluer l’exceptionnalité des circonstances et la responsabilité de prononcer le forfait. C’est donc un choix assumé par Longoria, qui a précisé que des recours seraient lancés à la LFP.

Une situation momentanément suspendue

En l’état actuel des choses, la situation reste floue, le classement de la Ligue 1 n’a pas été mis à jour, car le cas est en situation d’indécision. Un tel recours placera la LFP face à un cas de conscience: se permettra t-elle de laisser une équipe dont les supporters ont agressé les joueurs adverses en position de vainqueur ? D’autant plus lorsqu’on a pu voir à la fin de la rencontre ces supporters applaudis par leurs propres joueurs…

Politique et football

Par ailleurs, avec la pression relative des hommes politiques marseillais, la LFP aura à trancher. Jeremy Bacchi (Sénateur PCF des Bouches-du-Rhône) a apporté son soutien à Dimitri Payet et a appelé à la démission du président de la LFP Vincent Labrune. Benoît Payan (Maire PM de Marseille), de son côté, s’est également rangé du côté de l’OM, qu’il soutient contre la « mascarade ». De son côté, la Ministre des Sports a jugé qu’une limite avait été « franchie » sur BFMTV ce matin. Côté niçois, Christian Estrosi (Maire LFA de Nice) a plutôt fustigé l’attitude des Marseillais et salué l’équipe niçoise.

Suite

La LFP, dans un communiqué, a convoqué les deux clubs devant la Commission de Discipline mercredi 25 août. Chacun aura vraisemblablement à s’expliquer sur la situation d’hier soir. Enfin, le parquet de Nice a ouvert une enquête afin de faire la lumière sur les évènements d’hier. Les responsabilités de chacun sont encore à ce stade à définir. Affaire à suivre donc.

Que retenir ?

Finalement que retenir de cette soirée cauchemardesque à l’Allianz-Riviera ? Tout d’abord, certainement pas l’attitude de Rivère qui a cherché à minimiser les agissements de ses supporters. En effet, en voyant la réponse de Payet aux jets de projectiles comme un « élément déclencheur », il renvoie un envahissement de terrain violent à une chaîne de causalité qui place l’OM dans une position d’agresseur. Ce dernier cherchant certainement à se dédouaner de l’inefficacité de la sécurité du stade dont il est responsable.

On pensera aux blessés auxquels on souhaite un prompt rétablissement. Aux supporters visiteurs qui sont sortis sous escorte de police. Enfin, on retiendra le courage de l’OM qui a choisi de prendre le risque d’une défaite sur tapis vert, en attendant la décision finale du recours, plutôt que de se produire sous le regard des Niçois, et le risque de la surenchère de violence. Fiers de cette courageuse réaction, fiers d’être Marseillais.

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