Rhodanien et septuagénaire, Jean-Michel Aulas est une figure marquante du football français. Il faut se le dire, il n’a pas toujours apporté que du positif, mais il sait tenir un club et le mener de façon relativement correcte, bien que son comportement hors football soit parfois un peu limite. Surtout quand il s’agit de se prendre le chou avec Jacques-Henri Eyraud, l’autre président français.
McCourt avec Aulas dans ses valises
Directeur de l’OL Groupe et en boom constant avec son club depuis 1987, Jean-Michel Aulas a beaucoup investi dans son institution. Il y a mis son cœur, dans les équipes, dans le staff et dans les infrastructures. C’est certainement un nouveau challenge qu’il a voulu se donner.
À 67 ans et à la surprise générale, Aulas débarque chez les Marseillais, séduit par l’envie d’aider McCourt dans son « Champions Project » et par l’offre qui lui a été proposée. Il faut dire qu’il a déjà eu ses heures de gloire avec Lyon, alors pourquoi ne pas rééditer la chose avec l’ennemi phocéen.
Bien qu’il fut plus qu’un président pour l’Olympique Lyonnais, à son âge avancé, il préfère laisser l’OL Groupe à quelqu’un de plus jeune et dynamique.
Margarita Louis-Dreyfus laisse l’OM aux Américains et les commandes avec. Mais Frank McCourt, plus doué en National Baseball League qu’en Ligue 1 Conforama, assume ne pas pouvoir choisir seul le renouvellement du staff.
L’OM est un grand club et suivi dans le monde entier. J’aime le challenge et c’est pour cela que j’ai choisi ce club. Mais j’ai encore beaucoup à apprendre du championnat français et de tous ses aspects.
– Franck McCourt
Il laisse donc certains de ses collègues, bien plus calés sur le sujet, choisir le futur président de l’OM, celui qui succédera à Vincent Labrune, ou plutôt à Giovanni Ciccolunghi. Et le dévolu est jeté sur l’homme d’affaires français. L’expérience, les connaissances financières et sportives réunies, McCourt est heureux de ce choix. Peu importe la rivalité qui donne lieu à l’Olympico.
Lyon récupère Eyraud
En parallèle, il faut bien remplacer le bon vieux Aulas. Et les recherches s’avèrent compliquées. Il faut en effet trouver aussi bien que l’ancien président avec une personne qui saura garder le bon fonctionnement du club. Et le nom du successeur est Jacques-Henri Eyraud. Aucune expérience en tant que président dans le milieu footballistique mais pourquoi pas. Il connait le sport et un renouveau peut faire du bien à Lyon, qui n’est plus aussi bon que lors de la dernière décennie.
Grise mine dans les deux camps
Bien évidemment, chez les supporters, les staffs voire même les personnels des deux olympiques, l’arrivée d’Aulas en Phocée ne fait pas vraiment sourire. Fort logiquement, pour beaucoup, passer de Lyon à Marseille est signe de folie. Mais pas pour lui, qui ne regrette pas ce choix et qui veut passer au-dessus de la rivalité.
L’OM se lance dans un nouveau projet, avec un nouveau propriétaire et de nouveaux fonds. J’ai de l’expérience et j’avais cette envie de changer d’horizon avant d’être contraint de prendre ma retraite.
– Jean-Michel Aulas, lors de la conférence de presse de présentation.
Les Lyonnais crient à la trahison et les Marseillais ne savent pas vraiment comment réagir. En effet, il reste un bon président, avec les compétences requises, mais il est Lyonnais… C’est la cohue dans les journaux et les Unes, étant bien souvent olympiennes, le sont presque à 100% maintenant.
Un staff remodelé
La saison déjà débutée, c’est un gros chamboulement pour les joueurs, en plus de la question de l’entraîneur. Cette dernière doit vite être conclue car le dépannage de Franck Passi ne suffit pas aux yeux de McCourt. Les matchs amicaux ne sont vraiment pas bons et le début de saison ne l’est pas beaucoup plus, avec 12 points pris en 9 matchs de championnat. L’OM se classe 12e lorsque le nom du nouveau coach est enfin prononcé officiellement : Rudi Garcia.
Son premier match est un 0-0 face au PSG, loin d’être ridicule. Même si le match n’est pas brillant, Aulas et son nouveau staff sont félicités et encouragés pour la suite. Ce staff qui a vu arriver Andoni Zubizaretta dans ses rangs. L’Espagnol, fraîchement arrivé de Catalogne, devient le directeur sportif de l’OM, alors qu’Aulas était attaché depuis très longtemps à Bernard Lacombe. Il y a d’ailleurs une rumeur qui court, expliquant que le départ d’Aulas serait aussi dû au choix de Lacombe de stopper son aventure lyonnaise.
Du côté d’Eyraud, on souhaite garder Génésio, au vu de la saison déjà avancée. Il n’est pas nécessaire de tout changer dans son staff. Il composera avec le coach et ne sera pas forcément déçu.
Saison 2016-2017
Des deux côtés, les changements n’ont pas été si prolifiques. Garcia arrive à regagner le top 5 avec ses joueurs. Lors du mercato hivernal, il fait tout de même savoir qu’il voudrait renforcer son équipe qui n’est pas assez compétitive, surtout en défense. Mais Aulas semble satisfait de l’effectif qu’il a sous les yeux et pour sa première saison, ne souhaite pas prendre trop de risques, encore moins pour un mercato hivernal. Il n’y aura qu’une arrivée : Morgan Sanson, qui a plus que séduit le staff. Même Dimitri Payet, qui fait la Une des journaux anglais avec un possible retour à Marseille, ne reviendra pas.
Pour Eyraud et Génésio, l’affaire est plus complexe. Sans directeur sportif à son arrivée, le nouveau président souhaite s’occuper des transferts avec l’aide – ou non – du staff. Il se doit de laisser partir quelques joueurs en prêt et rate le bon coup de l’hiver avec Memphis Depay qui passera sous le nez des Lyonnais, pour repartir aux Pays-Bas et s’imposer définitivement à l’Ajax.
En somme, le groupe ne voit pas d’amélioration, mais heureusement pour eux, des bons joueurs, il en reste beaucoup. La saison se termine avec une 6e place et un bilan européen mitigé.
À l’OM, le résultat n’est pas bien meilleur mais ils se positionnent devant Lyon au classement. La fierté est là pour les supporters, moins pour Aulas, qui ne cachera pas sa tristesse de voir Lyon éliminé dès les tours préliminaires d’Europa League la saison suivante.
Saison 2017-2018
Le mercato estival est un enjeu majeur pour Aulas et il va tenter de rectifier le tir après l’hiver. En négociant tout d’abord de nombreux départs, puis en faisant venir de très bons éléments. Au bout du compte, l’OM n’aura perdu que 22 millions au change. C’est alors Gustavo, qu’Aulas souhaitait déjà à Lyon et Mitroglou qui arrivent à Marseille. Mais on assiste aussi à un retour loin d’être anecdotique : Mandanda reprend les gants et la cage, ce qui donne des points à Aulas auprès de tous. Mais le gros coup reste Ángel Correa qui débarque pour 15 millions dans l’attaque marseillaise.
Avec cette équipe, Garcia va loin, très loin ! En tout cas en Europe… Car en championnat, l’ex-coach de la Roma n’y arrive pas. Il ne sait jongler avec la pression que lui donne Aulas. Les joueurs donnent tout en Europe comme le veut leur président, mais délaissent alors le championnat pour ne finir qu’à la 6e place. Cela dit, la victoire en Europa League face à Arsenal, qui a su se dépatouiller de l’Atletico, orphelin de Correa, a tout rattrapé.
Les femmes et les jeunes à l’honneur
L’ex président lyonnais ne laisse pas la place à des transferts de joueurs âgés et sans réelles qualités, car il veut développer le centre de formation, qui n’est pas assez brillant à son goût.
Avec l’approbation de McCourt, il injecte alors de l’argent chez les jeunes et mise beaucoup sur eux pour les prochaines saisons.
Et chez les femmes aussi ça bouge ! Passer des Lyonnaises aux Marseillaises, c’est un coup dur pour le Rhodanien. Il refuse de laisser à l’abandon cette section et promet d’y travailler.
Ma priorité est l’équipe masculine, mais les jeunes sont l’avenir et les femmes n’apporteront que du positif dans la bonne gestion du club, ainsi que dans la bonne image que l’on dégagera en Europe et dans le Monde.
– Jean-Michel Aulas
Saison 2018-2019
Après une saison sans Europe mais très bonne en Ligue 1, Eyraud souffle, en tout cas le temps de quelques jours car il souhaite se remettre d’attaque sur le mercato. Les derniers en date furent bancals et il semble oublier que les jeunes sont la marque de fabrique de Lyon. Lui, qui avait su garder un peu plus longtemps Lacazette doit le voir définitivement partir pour l’Angleterre.
L’équipe reste tout de même séduisante, surtout avec l’arrivée de Moussa Dembélé. Mais en parallèle, les ventes ne se font pas comme il le voudrait. Il laisse trop peu de liberté au tout nouveau directeur sportif Juninho, qui aurait certainement préféré avoir Aulas comme patron.
Côté Europe, Marseille se retrouve dans un groupe loin d’être évident en Ligue des Champions, avec Porto, Shalke et Galatasaray. Et c’est de justesse qu’il obtient une 3e place, synonyme de 16e d’Europa League. L’OM retrouve le Benfica Lisbonne et se heurte à un roc. Garcia et ses joueurs n’iront pas plus loin mais pourront se concentrer sur le championnat.
Alors qu’en face, Lyon arrive jusqu’aux demies de Ligue Europa et se fait sortir par le futur vainqueur, Chelsea.
Fin de saison : Lyon finit 4e et Marseille retrouve de nouveau la Ligue des Champions grâce à sa 3e place en Ligue 1. L’Aulas effect et les sous de McCourt changent clairement la donne. Même si une irrégularité reste présente.
Saison 2019-2020
La machine est en marche et, avec les sous des coupes d’Europe et un Frank McCourt bien heureux de la situation, le mercato peut être un régal. Mais Aulas reste raisonnable, pour garder la plus intacte possible l’équipe en place. Il fait signer des jeunes, comme Aké, Lihadji et Bertelli. Il arrive même à retenir Ocampos, qui s’entend à merveille avec Correa, l’autre Argentin. Et le duo va pouvoir devenir un trio avec l’arrivée de Benedetto. Zubizaretta fait un très bon boulot et Aulas a une totale confiance en lui.
C’est un peu plus tendu du côté de Lyon. Ils arrivent tout de même à faire signer quelques jeunes de la formation, qui au passage, se fait doucement rattraper par celle de l’OM.
Mais ils ne savent pas retenir Aouar, bien trop courtisé. À la place, ils signent avec brio Jonathan Ikoné, pour 20 millions. Ils ont su être plus convaincants que d’autres clubs sur le dossier et ont eu raison d’insister.
Au moment de l’arrêt de la saison, l’OM se positionne 5e mais à seulement quelques points du podium, rien n’est joué. En Ligue des Champions, les Marseillais ont passé les poules plus facilement qu’on ne le pensait. Mais en huitièmes, l’aller face au Bayern semble avoir celé leur avenir européen (3-0 à l’Allianz Arena). Alors que Lyon préfère miser sur la Ligue Europa et peine à briller en Ligue 1.
Ce sont deux clubs bien différents, chaque saison ils inversent leurs performances. Mais Aulas semble avoir fait du bien à l’OM par une meilleure gestion. Il suffit de voir la victoire en Europa League.
Eyraud VS Aulas : un combat de coqs
En interne, les deux présidents français ne se font pas de cadeaux et n’hésitent pas à faire quelques critiques. Surtout quand un Olympico approche. Le premier remporté par Aulas et le second en Coupe de France par Eyraud, alors que le septuagénaire n’était même pas présent dans les tribunes du Groupama Stadium, préférant sûrement boire quelques coupettes avec d’anciens collègues. Au final, les supporters marseillais voient rouge et n’ont finalement jamais vraiment accepté cette arrivée surprise, bien que les résultats ne soient pas mauvais.