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PROCHAINS MATCHS

Furiani, un drame collectif

5 mai 1992, le grand OM de Bernard Tapie se déplace au stade Armand Cesari pour jouer une demie finale de Coupe de France. Alors prévue à 20h30, la rencontre n’aura jamais lieu. Les faits, aujourd’hui nous les connaissons tous : à 20h20, une tribune provisoire de 10 000 personnes s’effondre. Cela occasionnera la mort de 18 personnes et 2 357 seront blessées. 29 ans après, les responsables ont été désignés et condamnés. 29 ans après, dans un monde où le football est un sport qui se mondialise. Où les histoires des clubs ne valent la peine d’être racontées que pour le story telling. Dans un football où la profusion de matchs est l’idéal transcendantal, où chaque match en efface un autre. Y a t-il encore la place pour le temps du recueillement et de la mémoire ? Au fond en 2021, que peut-il rester du « drame de Furiani » ?

Le match : le petit Poucet corse contre l’OM galactique

Rappelons tout d’abord à l’origine ce qu’aurait du être le 5 mai 1992 : un match de football. En 1992, Bernard Tapie est le dirigeant de l’Olympique de Marseille. C’est l’époque galactique de l’OM qui dispose sans doute du meilleur effectif de son histoire. Di Meco, Deschamps, Boli, Papin, Waddle, et bien sûr Olmeta, toutes les étoiles du « Grand OM » sont là. Finaliste de l’édition 1990-91 de la coupe des clubs champions européens, l’OM est clairement le Goliath de la rencontre. En face, après les grandes heures passées au sein de l’élite française, Bastia peine en deuxième division depuis 6 ans. 11 années après le sacre de 1981, ce match est l’opportunité pour les Corses de revenir briller sur le devant de la scène du football français. Bien sûr, les Corses rêvent de s’offrir cet OM-là pour signer leur grand retour. La suite, nous la connaissons. L’engouement est tel que la direction bastiaise fera construire une tribune provisoire afin d’accueillir davantage de spectateurs. Cette tribune construite à la hâte, ne sera pas réalisée selon les normes de sécurité. Et dix minutes avant le coup d’envoi, elle s’effondre. En même temps que les vies de milliers de personnes.

Équipe des Galactiques avant Olympique de Marseille – AS Cannes, le 25 avril 1992.

Furiani en 2021

Le 5 mai, un souvenir porté par les victimes

Alors 29 ans après, que reste-t-il du « Drame de Furiani » ? D’abord des victimes. Des personnes pour qui l’existence n’a jamais pu reprendre un cours innocent. Des jeunes bastiais devenus aujourd’hui quinquagénaires traumatisés. Pour qui les matchs de football ne peuvent plus être une célébration. Il reste le « Collectif des victimes de la catastrophe de Furiani 05 Mai 1992 » qui milite pour que soit reconnu le souvenir du drame. Il reste une stèle commémorative à Furiani, où sont inscrits les noms des 18 personnes qui ont péri dans le tragique accident. Enfin, les hommages fleurissent tous les 5 mai, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans les stades. On voit donc qu’au fond, ce sont les particuliers qui seuls doivent porter la responsabilité de cette mémoire. C’est la base du monde du football qui dans l’imaginaire collectif porte essentiellement cet évènement. Alors quoi ? Le drame du 5 mai doit-il être ce fantôme qui tourmentera les consciences des victimes de quelques Corses jusqu’à ce qu’il tombe définitivement dans l’oubli ?

Furiani : un accident à oublier ?

Il faut rappeler que lors des procès en 1995, Michel Cagnion (ex-directeur général de la FFF) est condamné par le Tribunal Correctionnel de Bastia. Il écopa de 18 mois de prison avec sursis pour « un manque de vigilance, des inattentions et négligences qui ont concouru à la survenance des faits ». Rappelons donc qu’un haut responsable de l’instance nationale fut impliqué. Mais à ce jour, aucune excuse de la part de la FFF n’a été adressée aux victimes. À ce titre, lors des élections à la présidence de la FFF qui se sont tenues un peu plus tôt cette année, ni Noël le Graet, ni Fréderic Thiriez n’ont souhaité se prononcer en faveur d’une journée du 5 mai sans match. Preuve s’il en est que les institutions résistent toujours, aujourd’hui, à ce souvenir.

Une histoire aussi marseillaise

Bien sûr, il faut rappeler que si l’histoire du 5 mai est évidemment bastiaise, elle est aussi marseillaise. Par la présence de l’Olympique de Marseille comme acteur initial de la rencontre. Par les joueurs et le staff médical du club qui ont participé à l’évacuation des blessés. Également par le personnel médical des hôpitaux de Marseille vers lesquels ont été évacuées les victimes quand ceux de Corse étaient saturés. Enfin, comment ne pas penser à Jean-Baptiste Dumas, journaliste marseillais à RTL, présent dans la tribune ce soir-là, qui mit fin à ses jours devant le Vélodrome, à la suite du traumatisme de la catastrophe.

Évacuation des blessés par le pont aérien, le soir de la catastrophe.

Vers une journée commémorative ?

À ce jour, une proposition de loi afin de geler la tenue de matchs le 5 mai a été adoptée par l’Assemblée Nationale. Proposée le 13 février 2020 par Michel Castellani, député de Haute-Corse, celle-ci est néanmoins en attente d’être adoptée par le Sénat depuis plus d’un an. Cette proposition de loi nourrit l’espoir d’une reconnaissance à un niveau national sur le plan législatif. Cependant, s’il est nécessaire de chercher à faire adopter une loi, afin de faire reconnaître le caractère national de la catastrophe, c’est aussi parce que les victimes se sentent abandonnées par la FFF.

« Pour nous, pour que les commémorations soient faites en bonne et due forme, il ne faut pas qu’il y ait de match le 5 mai. On tente de faire accepter cette demande aux instances du football, mais on se heurte à un mur. »

Josepha Giudicelli, présidente du « Collectif des victimes du 5 mai 1992 », dans 20minutes.

Rappelons qu’il y a une semaine encore, un match de Ligue 2 reporté avait été initialement reprogrammé un 5 mai. C’est seulement suite aux messages sur les réseaux sociaux, du Collectif d’une part et du député Castellani de l’autre, que le match fut finalement reporté au 4 mai. Preuve encore que Furiani n’est pas dans toutes les consciences.

La mémoire de Furiani, un enjeu bien contemporain

Ainsi, la mémoire de Furiani n’est pas réglée, il y a encore des progrès à faire afin de se souvenir de ce drame. Rappelons que Furiani est le seul drame de ce type à ce jour à avoir eu lieu en France. Mais cette catastrophe n’est pas le fait des supporters qui par leur comportement se seraient mis en danger. Cette catastrophe engage la responsabilité des dirigeants du SCB et des ingénieurs de l’époque. Mais aussi d’un haut responsable de la FFF. En cela, le drame de Furiani n’est pas seulement une affaire de Bastiais, ou comme on l’a vu, de Marseillais. C’est un drame national dont le souvenir interroge aujourd’hui le rapport qu’ont les institutions avec la base, c’est-à-dire les supporters. La commémoration du drame du 5 mai n’engage pas seulement le souvenir des victimes, mais également la manière dont les supporters souhaitent être traités par les instances de pouvoir.

Furiani n’est pas un story telling fait pour le frisson des amateurs d’histoire. Furiani nous engage tous dans une vision du football. À l’heure des revendications pour « le football populaire », le peuple ne mérite-t-il pas enfin avoir le droit d’être justement reconnu par les institutions et de vraiment honorer ses morts ? Finalement, la critique de la cupidité de certains dirigeants qui conduit à des manquements éthiques vis-à-vis des supporters n’est-elle pas pleinement d’actualité ? C’est en ce sens en tout cas que Marseille, place forte du football populaire et du mouvement ultra, a un rôle à jouer.

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