Taclé en conférence de presse par Villas-Boas et absent du groupe face à Brest après avoir brillé pendant la Coupe du monde des moins de 17ans, Isaac Lihadji a tout d’un grand. La dernière étape à franchir pour le voir sous la tunique ciel et blanc est la signature de son contrat professionnel. Une montagne.
« Je défends les couleurs du club. Il y a peut-être l’intérêt d’autres équipes pour Lihadji et ça commence à jouer sur lui, je ne sais pas. Je pourrais en profiter en ce moment mais pourquoi ? Pour qu’il joue ensuite à Monaco, au PSG ? Quel intérêt pour l’OM son club formateur ? Je défends les intérêts de Marseille peut-être contre moi-même ».
Ce mercredi, dans une salle de presse pleine, l’entraîneur portugais Villas-Boas n’a pas dérogé au franc-parlé, qui le caractérise si bien depuis son arrivée, lorsqu’il a fallu évoquer la pépite du centre de formation marseillais. Les paroles de l’entraîneur portugais sont fortes, sonnent même comme de la frustration et on comprend mieux sa dernière phrase lorsque l’on décortique le début de saison. Car si les résultats sont bons, le technicien aurait sans doute préféré pouvoir utiliser le minot sur l’aile droite de l’attaque plutôt que de devoir bricoler à quasiment chaque rencontre.
Alors que Dimitri Payet est un titulaire indiscutable sur le côté gauche et que Dario Benedetto a le même statut sur le front de l’attaque, le côté droit est clairement vacant. Pourtant, depuis l’été dernier, les essais se sont multipliés et certains joueurs ne pourrons pas dire qu’ils n’ont pas eu leur chance. C’est le cas notamment de Nemanja Radonjic, avec ses trois titularisations depuis le début de saison, qui commence seulement à montrer ses capacités avec deux buts en deux matches.
Il y a eu Valère Germain qui a occupé ce poste face à Amiens, Strasbourg ou encore Paris, avec une réussite assez limitée puisque le joueur de 29 ans est un pur attaquant de formation. Maxime Lopez, l’autre minot, a également été testé dans cette position inhabituelle pour lui. Très convaincant à domicile face à Lyon, il a enchaîné avec une prestation très moyenne à Toulouse et a affiché ses limites à un poste qui demande un coffre physique important.
Enfin, Bouna Sarr a également répondu présent lorsqu’il a fallu cocher le onzième nom de l’équipe titulaire, mais sans plus de succès que les précédents. A ces essais ajoutons l’absence et la longue blessure de Florian Thauvin. Issac Lihadji a donc la place…
Un problème de gros sous ?
Depuis juillet dernier, les négociations sont âpres et les rebondissements incessants. Parfois les signaux sont positifs quant à l’issue de ce dossier puis redeviennent inquiétants comme avec les déclarations du coach marseillais. Tout naturellement et peut-être naïvement aussi, parce-que le football actuel est marqué au fer de l’argent, la question de la rémunération se pose. Dans les couloirs du club il se murmure que son agent, Moussa Sissoko, jouerait la surenchère, ce qui rendrait le dossier compliqué et agacerait l’état-major olympien. Selon l’Equipe, le clan Lihadji réclamerait un salaire de 50 000 euros mensuel plus une prime à la signature de 1,5 millions. Pourtant, en septembre dernier, au micro de RMC il avait tenté de clarifier les choses : « Les négociations ne sont pas bloquées. Nous avons encore échangé récemment avec Zubizarreta. Après dans une négociation, il y a le sportif et le financier et il faut trouver le juste équilibre ». Depuis : quelques apparitions en Ligue 1, une brillante Coupe du monde des moins de 17 ans et puis plus rien.
Le joueur, qui a grandi dans le quartier de Kallisté, ne serait pas le premier, ni le dernier à privilégier l’aspect financier à celui du temps du terrain. Et la tentation peut être grande si c’est la Juventus, le FC Barcelone, l’Inter Milan et Liverpool qui frappent à la porte. Ces clubs ont témoigné de leur intérêt pour le phénomène et ils ont la particularité d’être des institutions sur le plan sportif mais – seulement – parfois des références européennes en terme d’intégration de jeunes joueurs.
Traverser la Manche ou les Alpes n’est pas gage de réussite et les exemples sont nombreux : David Bellion, Anthony Le Tallec, Gael Kakuta, Mourad Meghni ou encore Bilal Boutobba. Tous avaient un talent exceptionnel, ils ont connu des carrières honorables mais aux antipodes de leurs potentiels. La culture, la langue, la distance du nid familial étaient des obstacles trop importants pour des jeunes hommes de moins de 20 ans.
Que fait l’OM ?
Du côté de la Commanderie, on évoque une première proposition de contrat cet été à hauteur de 15 000 euros mensuel, puis revue à la hausse courant septembre. La somme est faible lorsqu’on la compare avec d’autres montants de la galaxie football, mais elle est tout de même conséquente pour un joueur de 17 ans avec 2 matches de L1 joués. La vraie question est de savoir si ce chiffre est juste.
L’immense talent du joueur, sa technique et la qualité de son pied gauche attisent les convoitises européennes et ce depuis longtemps. A 12 ans, alors qu’il évolue au FC Septèmes, le jeune marseillais attire l’attention de Michel Zamora, le recruteur du FC Barcelone et il se voit convoqué pour faire deux essais à la Masia. Le transfert vers la Catalogne est en bonne voie jusqu’au moment où Isaac Lihadji se blesse gravement au tibia droit lors d’un match face au Burel FC. Le recrutement tombe à l’eau et il lui faudra plusieurs mois avant de retrouver les terrains de football.
Du côté de l’OM, on profite de l’attention moins présentes des recruteurs occidentaux et c’est José Anigo qui convaincra le joueur et son entourage de l’époque. A l’été 2014, Isaac signe un contrat aspirant pro jusqu’en 2020. Aujourd’hui, à quelques mois de la fin de ce contrat, l’OM et Zubizaretta sont-ils à la hauteur de ce talent ? Car la lenteur des négociation ne peut être imputée seulement au clan du jeune marseillais. Dans le cercle privé des agents de joueurs, il est clairement dit que le directeur sportif de l’OM a une personnalité atypique et parfois agaçante lorsqu’il s’agit d’accélérer les choses. Sa lenteur dans les négociations a clairement été pointé du doigt mais il n’est pas le seul à mener la barque. Jacques-Henri Eyraud, qui aurait pris en mains le dossier, a aussi montré ses limites sur le recrutement et les prolongations de contrats, ce qui a valu le départ de Lucas Ocampos.
L’état-major olympien est dans son droit, il souhaite montrer que l’institution prime sur tout. Il souhaite également ne pas surpayer pour ne pas donner de mauvaises idées aux futurs jeunes issus du centre de formation. Mais au prix de laisser s’échapper l’une des stars de cette équipe de France des moins de 17 ans qui a brillé au Brésil ? Les deux parties ont tout intérêt à trouver un accord.
Selon So Foot, dans les bureaux olympiens on murmure : « On a raté Zidane, alors si on rate Isaac… ».