Dans un entretien accordé à Foot Mercato, le président de l’OM Pablo Longoria est revenu sur les dossiers chauds qui entourent le club et son mercato. Le jeune dirigeant a notamment évoqué les cas d’Amine Harit et Bamba Dieng tout en détaillant ses méthodes de recrutement.
Pablo Longoria ennuie rarement lorsqu’il parle de football et encore moins quand il s’agit de mercato. Interrogé par Foot Mercato, le président espagnol a d’abord abordé certains cas individuels de l’effectif olympien, dont Amine Harit. Arrivé lors de la dernière heure du mercato estival le 31 août dernier, le Marocain est définitivement Olympien, son option d’achat de quinze matchs ayant été levée il y a cinq jours.
« Amine, c’est quelqu’un de très important. Au niveau du groupe et au niveau sportif. Dans le football, il y a bien évidemment le sportif, mais il y a aussi la mentalité personnelle. Tu fais un groupe de 21, 22 joueurs, qui travaillent tous les jours ensemble et qui forment, ce qui est le plus important : une équipe. Amine, c’est quelqu’un d’extraordinaire pour cela, en plus de son niveau footballistique. Quel discours j’ai eu pendant tout l’été ? Pour moi, c’était facile. Pour faire un transfert, tu dois avoir le consensus de tout le monde. Dans ce cas, il fallait le coach, David (Friio, le directeur sportif), Javier et moi. Il fallait que tout le monde soit convaincu. J’ai dit à Amine de rester tranquille parce que dans la vie, les choses qui doivent arriver arrivent et que ça va être facile qu’il fasse le consensus. Le consensus est arrivé en août. »
Interrogé sur la question, Pablo Longoria n’a pas esquivé le sujet épineux Bamba Dieng. Sans rentrer dans les détails, le dirigeant n’a jeté la pierre à personne, rappelant la complexité de la période de mercato, aussi bien pour le club que pour le joueur.
« Humainement, ce n’était facile pour personne. Quand tu es dans le mercato d’été avec un joueur qui est dans les radars des autres clubs, avec une possibilité de sortie, ce n’est pas facile au niveau mental pour le joueur. Mais ce n’est pas facile non plus pour le club. À partir du moment où le joueur est revenu ici, la situation a changé radicalement. Le joueur a beaucoup progressé et la conséquence, c’est qu’il a récupéré une place dans l’effectif parce que la méritocratie est la chose la plus importante dans la vie. Mais, jouer une compétition avec des mercatos encore ouverts, c’est très compliqué, notamment pour la psychologie des joueurs. Ce n’est pas non plus facile dans la relation que tu as avec un de tes joueurs qui se comporte différemment dans une situation de mercato. Ce n’est facile à gérer pour personne. »
« Je n’aime pas recruter un joueur en fonction de la Coupe du Monde »
Au-delà des individualités, le président de l’OM s’est projeté sur le mercato hivernal et la Coupe du Monde qui arrive. Pour le fan de Football Manager, la plus grande compétition peut être un piège pour le recrutement d’un joueur et le jugement de sa qualité.
« Je n’ai jamais pris de décision en fonction des Coupes du Monde. Même celle des jeunes. C’est un travail fait dans le temps et pas lié à un évènement. Je n’aime pas recruter un joueur en fonction de sa performance à un évènement. On doit contextualiser la performance d’un joueur pendant une Coupe du Monde. Cela te sert juste à voir la personnalité d’un joueur lors d’une grande compétition. Ce n’est pas lié à son niveau. Son niveau, c’est ce qu’il fait au quotidien dans son équipe. Alors, oui, cela te donne beaucoup d’indications sur la personnalité réelle d’un joueur dans un évènement majeur. C’est peut-être la première fois qu’il joue un match de ce niveau. Quand tu es en Champions’ League, tu dois considérer les performances des joueurs dans les matches de haut niveau et la gestion d’évènements importants dans un match. »
Dans ce contexte particulier lié à la Coupe du Monde, le patron de l’OM n’a pas exclu de renforcer l’équipe d’Igor Tudor au mercato hivernal même si les mouvements ne devraient pas être nombreux.
« Je considère toujours ce mercato d’hiver comme un marché d’opportunité ou de réparation. Même s’il y avait eu qualification en Ligue des Champions, je ne crois pas qu’on aurait dû changer les effectifs. Je ne crois pas au changement d’effectif à mi-saison. Tu peux trouver quelques bonnes opportunités, mais pas changer l’âme dans une équipe. Cela se construit pendant la pré-saison. Pour nous, ça va se construire aussi pendant la préparation qu’on va faire en novembre-décembre. Sinon, tu vas à l’encontre du football. »
Dans la deuxième partie de l’entretien à retrouver sur Foot Mercato, Pablo Longoria a insisté sur un point. L’Espagnol refuse la stratégie globale du « trading » qui s’installe de plus en plus chez les clubs français. Selon lui, le résultat sportif reste la priorité. Il n’en reste pas moins lucide sur les difficultés (qui ne datent pas d’hier) rencontrées par l’OM pour vendre des joueurs.
« Tout d’abord, on n’a pas besoin de vendre des joueurs. Je comprends la mentalité établie en France. Tu bases une partie importante de ton business sur ta vente de joueurs en cherchant de réduire les pertes. Ce n’est pas une nécessité absolue. C’est vrai que tu dois utiliser les ventes de joueurs pour améliorer ton projet. C’est important. Mais pour la vente, il y a plusieurs facteurs. Le premier, c’est les résultats sportifs. Quand tu as plus de résultats sportifs, tu vends mieux tes joueurs. Deuxièmement, c’est la dimension de ton club au niveau de la pression et de l’importance historique. Cela t’emmène forcément au fait que l’OM a eu des effectifs plus âgés que les autres compétiteurs dans le Championnat de France. Tu vends plus facilement les jeunes joueurs. Il y a aussi le niveau des salaires. Plus tu as des joueurs âgés, plus tu payes de salaires. Normalement les joueurs pensent qu’ils doivent faire leur dernier contrat à 27 ou 28 ans. C’est son dernier contrat important. C’est pour ça que quand tu augmentes l’âge de ton effectif, tu ne payes pas cher les joueurs de 30 ans, mais tu verses un plus gros salaire. C’est l’inverse pour les jeunes joueurs. Quatrième facteur : nous ne sommes pas un club performant au niveau du centre de formation. Normalement le centre de formation, si tu es performant, c’est quelque chose qui permet d’augmenter le niveau de vente. »
« Tu ne peux pas faire une équipe avec les mauvaises personnes. C’est très important pour moi »
Depuis son arrivée, le dirigeant de 36 ans tente de redresser le club à sa manière. Sans oublier le sportif, il est conscient de l’enjeu économique pour le propriétaire Franck McCourt. L’objectif à moyen terme de l’OM est clair.
« Dans le monde du football, comme celui du football français, où ton budget est de faire des transferts de joueurs, c’est normal que tu doives tenir ta masse salariale la plus basse possible. C’est un des motifs qui te permet de vendre des joueurs. À la fin de l’année, c’est notre objectif, c’est d’avoir un résultat comptable à l’équilibre. C’est l’objectif fondamental du club. Pour contrôler la masse salariale, on doit faire deux choses. Soit commencer à investir beaucoup sur des joueurs jeunes qui ont un salaire bas. Tu n’as alors rien en masse salariale. Ou alors tu cherches un équilibre. Cette saison, si on prend tout en compte, on a augmenté seulement de 15% avec la Champions’ League, ce n’est pas beaucoup. On a cherché à balancer entre des jeunes joueurs et les joueurs qui sont arrivés avec des salaires plus haut, on n’a pas payé beaucoup en transfert. »
Enfin, l’ancien de Valence a développé sa méthode de recrutement basée notamment sur l’exploitation des « datas ». Depuis l’arrivée de Tudor sur le banc, le board marseillais a mis l’accent sur « les données physiques » des joueurs afin de répondre aux exigences du jeu direct instauré par le coach croate. Mais pour Longoria, les données ne font pas tout. Un joueur doit pouvoir s’intégrer dans un collectif et devenir complémentaire avec ses coéquipiers.
« On doit analyser les caractéristiques du joueur et chercher comment l’intégrer. C’est impossible qu’une machine le fasse. On se dit « je vais recruter Amine Harit ». On doit s’imaginer avec quels joueurs il va avoir les meilleures affinités sur le terrain, comment il peut s’entendre sur le terrain avec Alexis Sanchez, Ünder, Gerson, Payet, Suarez, Dieng et Mattéo (Guendouzi). Comment je m’imagine qu’Amine va interagir avec tous ceux-là ? Le football, ce n’est pas une question individuelle, mais collective et comment donc ces joueurs vont interagir entre eux. Ensuite il y a une question de niveau. Mais qu’est-ce qui est le plus important ? Le niveau ou l’adaptation ? Ce sont des discussions les plus importantes. À quoi on donne plus d’importance ? Le dernier élément, qui est très important, c’est la mentalité, l’attitude et la volonté que tu as pour travailler. Tu ne peux pas faire une équipe avec des mauvaises personnes. C’est très important pour moi. La mentalité, l’engagement, comment il est au quotidien, comment il travaille, la volonté pour accepter d’être corrigé. C’est pour ça que la donnée fait partie d’un groupe d’autres choses dans le recrutement. »
Dans ce long entretien, Pablo Longoria est aussi revenu sur le fonctionnement de la cellule de recrutement de l’OM et sur le rôle de son directeur sportif David Friio.
La deuxième partie de l’interview diffusée ce mercredi est à retrouver sur le site de footmercato. Pour relire la première partie, c’est également sur leur site.