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La polémique Greenwood : Les termes du débat

La possible arrivée de Mason Greenwood à l’OM a suscité de grosses controverses. Les uns n’hésitent pas à afficher un hashtag #WelcomeGreenwood sur les réseaux sociaux. Les autres s’opposent à sa venue, notamment à cause des violences conjugales rendues publiques par sa compagne. Qui a raison ? Qui a tort ? Et surtout, quels sont les arguments des uns et des autres ?

En attendant Greenwood

Fin juin, avant même que l’arrivée de De Zerbi ne soit officialisée, le média britannique The Athletic évoquait des pourparlers entre les dirigeants marseillais et l’attaquant mancunien de 22 ans. Rien d’officiel. Il s’agissait juste de tester le terrain et voir si le joueur serait intéressé pour venir à l’OM.

Avant même qu’il ne soit question d’un quelconque aspect financier ou bien d’avoir une déclaration publique d’un des protagonistes de la potentielle transaction, une affaire extra sportive concernant Mason Greenwood resurgit dans la presse et enflamme les réseaux sociaux. En janvier 2022, le joueur de Manchester United a été accusé de violences conjugales et tentative de viol par sa petite amie, Harriet Robson. Celle-ci avait posté sur internet les marques des coups portés sur elle lors de l’agression et son visage ensanglanté, accompagnés de ces mots : « Pour que tout le monde sache ce que Mason Greenwood me fait ». Même si les images sont retirées très vite, le club mancunien est au courant de l’affaire, qui sera instruite par la justice, et le joueur écarté des terrains.

En février 2023, les poursuites judiciaires sont abandonnées. Le Procureur déclarera que « la combinaison entre le désengagement de témoins clés et l’apparition de nouveaux éléments a montré qu’il n’y avait plus d’accusation envisageable ». Greenwood ne sera pas jugé par un tribunal. Actuellement, il est toujours en couple avec sa compagne. En juillet 2023, la presse annonce la naissance de leur enfant.

C’est l’un des premiers arguments que l’on a vu sur les réseaux sociaux lorsque la polémique a éclaté, début juin : « Regardez ! Elle lui a pardonné ! Ils ont même eu un enfant ensemble ! ». Le texte est accompagné d’une photo de Greenwood posant tendrement à côté de Harriet Robson, accrochée à son bras. Sous-entendu : même si le joueur a brutalisé sa femme, l’affaire serait close parce qu’elle lui aurait pardonné. Il serait donc bienvenu à l’OM. Un certain nombre d’internautes ont insisté sur le fait qu’il fallait « donner une deuxième chance » au joueur et voir surtout quelles seraient ses prouesses sur terrain s’il décide de signer chez nous.

«C’est un champion, un joueur de classe mondiale. Je n’ai pas l’habitude de m’immiscer dans la vie privée des joueurs. S’il vient, il faut savoir que je traite tous mes joueurs comme mes fils. Je peux les réprimander en privé, mais je les défendrai publiquement.»

– Roberto De Zerbi au sujet de Greenwood, mardi 9 juillet (source : Le Figaro)

D’autres arguments vont dans le sens de la rédemption. « C’est une erreur ! Elle lui a pardonné ! Maintenant, c’est fini. » peut-on lire sur les réseaux sociaux. Là encore, le sous-entendu est clair. Les violences conjugales dont Greenwood a été accusé seraient de l’histoire ancienne ou bien ne concernerait que la sphère privée du joueur. Les supporters n’ont pas à se mêler de cela, le maire de Marseille, Benoît Payan encore moins, avancent certaines personnes sur le net. « Les faits extra sportifs ne nous regardent pas. Ce qui compte, c’est que Greenwood, s’il vient à l’OM, marque des buts. Le reste, on s’en fout. », écrit un internaute, enthousiaste.

Un autre argument évoqué par des supporters favorables à sa venue ou bien qui restent neutres est celui de l’absence de condamnation. C’est la réponse que m’a faite un internaute : « Contrairement à Atal, qui a été condamné, il n’y a pas eu de procès pour Greenwood ». Toutefois, auprès d’autres supporters, ces discours ne vont pas sans poser problème.

Une polémique genrée ?

Nombre de discours réfractaires à la venue de Greenwood à Marseille sont tenues par des femmes ou des associations féministes. Sur les réseaux sociaux, une internaute dit que la place du Mancunien n’est pas sur un terrain de foot mais en prison : « Un homme passe à tabac sa compagne, c’est une affaire hyper médiatisée et t’as l’OM qui se dit que c’est le joueur parfait à recruter ? Ça reflètera les valeurs des dirigeants de ce club. S’il s’agissait d’un joueur déjà sous contrat, ils se seraient désolidarisés de lui dans un petit communiqué. Donc je trouve ça honteux. On parle de coups et de viol. C’est en prison qu’il doit être ». D’autres discours vont en ce sens.

Pour Sara, grande supportrice de l’OM, la venue de Greenwood est impensable. Sur Twitter, elle reproche au club de « vendre son âme » pour un joueur certes talentueux mais qui a commis « des violences ». Elle refuse les discours de supporters considérant que Greenwood aurait commis une « erreur » et, au vue des images et des enregistrements publiés sur internet, parle plutôt de « crime ». Être favorable à la venue du joueur de Manchester United à Marseille serait, selon elle, devenir les complices silencieux de toutes les violences conjugales actuelles.

Sur le média en ligne Football Club de Marseille, le journaliste Rayane Benmokrane a publié un article restituant la parole de quatre supportrices olympiennes au sujet de la venue de Greenwood : « Elles sont quasi unanimes : elles ne veulent pas qu’il porte le maillot de l’Olympique de Marseille dans ces conditions. Certaines verraient cela comme une sorte de trahison que l’Institution leur infligerait après des campagnes de sensibilisation sur le sujet des violences faites aux femmes ». En lisant l’article jusqu’au bout, on voit que certaines des interviewées, comme Elodie, sont nuancées quant à la présence du joueur de Manchester United à l’OM. Celle-ci se basera également sur la communication faite par le club au moment de sa venue – si venue il y a – pour finaliser son jugement. So Foot a également attiré l’attention du public sur les actions militantes des associations féministes marseillaises fermement opposées à la venue de Greenwood à l’OM.

Mason Greenwood sous le maillot de Getafe.

Certains hommes ont également pris la parole pour s’opposer à la venue du Mancunien. Lors de l’émission After Foot RMC, David Gluzman a dénoncé « l’hypocrisie des supporters marseillais » qui « sous prétexte qu’il soit bon au football » seraient prêts à « pardonner » Mason Greenwood. Pour Sam, co-président de Peuple Olympien, la venue du joueur de Manchester United n’a pas été une bonne nouvelle : « Quand j’ai vu la rumeur, ma première réaction a été d’être déçu. Je ne peux pas, aussi fort soit Mason Greenwood, avoir un autre avis le concernant. Et pourtant, je serais très heureux que le joueur soit Olympien. Pas l’homme ». Peut-on séparer l’homme du joueur ? Pour Sam, c’est difficile mais il faut quand même le faire et ne pas se laisser déborder par sa passion pour le club : « Il y a une part de moi qui serait heureuse de voir Greenwood à l’OM car c’est un très bon joueur. Mais cette part là m’énerve, c’est la part du supporter pur de l’OM qui souhaite la réussite du club, peu importe avec qui. Mais en même temps, cette part, je ne l’aime pas car elle va à l’encontre de mes principes et de mes valeurs. En te parlant, je me dis que je ne veux pas d’un joueur qui frappe une femme dans mon club ». En effet, Sam, il n’y a rien de plus précieux et de plus sacré que la vie humaine.

Cette polémique autour de Greenwood peut être reliée avec le débat en philosophie morale entre déontologistes et conséquentialistes. Soit tu penses que les principes moraux sont plus importants que les conséquences des actes, et dans ce cas, tu es contre la venue de joueurs à l’OM qui ont exercé des violences conjugales ou ont tenu des propos racistes, même s’ils seront très bons sur le terrain et nous feront gagner des matchs. Pour un déontologiste, l’effectif des Olympiens doit être constitué de joueurs moralement irréprochables (cela vaut pour les féminines et les minots), peu importe les résultats. Les valeurs morales priment sur le reste.

Soit tu penses que les conséquences sont plus importantes que les principes moraux. C’est le bonheur du plus grand nombre qui compte, à savoir la satisfaction des dirigeants, du staff, des joueurs et des supporters. Dans ce cas, peu importe qu’un joueur soit homophobe, raciste, antisémite ou violent à l’égard de sa conjointe – cela concerne le domaine extra sportif -, du moment qu’il permet de remporter des victoires. Les conséquences qu’il y aura pour le club en faisant signer telle ou telle recrue priment sur les valeurs morales qu’elle peut posséder ou non.

La société du spectacle

Comme l’a souligné Ben, notre rédacteur à Peuple Olympien, il y a beaucoup de choses que l’on ne sait pas dans cette histoire. Chacun se positionne selon ce qu’il voit sur internet. Or, comme le rappelle Platon, nos sens sont bien souvent trompeurs. C’est avec sa raison plus qu’avec ses yeux qu’il faut contempler le monde. Cette polémique au sujet de Greenwood fait partie de la société du spectacle dont parle Guy Debord, une société où l’artificialité de la mise en scène prime sur la réalité complexe des faits. Dans cette société du spectacle que sont les réseaux sociaux, où le jugement à l’emporte pièce et la mise à mort virtuelle prédominent, ce qui paraît vrai est plus important que la vérité elle-même.

Pour Ben, c’est d’ailleurs la morphologie des réseaux sociaux qui nous conditionne à réagir de telle ou telle façon sur ces affaires publiques. Notre jugement sur Greenwood est limité à un nombre de caractères précis sur Twitter. Il sera forcément expéditif, sans nuances, sans prise en compte de l’ambivalence des choses. C’est en ce sens que va également Thomas, un autre de nos rédacteurs à Peuple Olympien : « À mes yeux c’est une affaire privée dont on a pas tous les tenants et aboutissants. Ça ne fait pas plaisir qu’on associe l’OM à ce genre d’affaires. Maintenant, le joueur a aussi droit à la rédemption. Je ne soutiendrai pas son arrivée corps et âme mais je m’y opposerai pas fermement non plus. J’attends de voir la communication du joueur et du club pour y voir plus clair ».

Même s’il y a beaucoup de choses que l’on ne sait pas, notre rédactrice Valentine, spécialiste de l’OM féminine, rappelle que cette dimension communicationnelle extra sportive concernant Greenwood ne peut pas être non plus ignorée. La polémique à son sujet est bel et bien là, au sein de l’espace public : « Je trouve que ça pourrait être évité. Des bons joueurs il y en a plein et on va chercher celui qui a une image complétement pourrie ». Et le mercato est loin d’être terminé, Val

D’ailleurs, un autre supporter qui nous a contacté sur WhatsApp, sans prendre parti, reste lui aussi embêté par le tapage médiatique autour de l’OM : « Je suis totalement neutre, je comprends ceux qui n’en veulent pas, je comprends ceux qui veulent de lui mais tout ça me gêne terriblement ». Un supporter lyonnais habitant à Rabat, m’a confié ne vouloir surtout pas de lui à l’O.L : « On a suffisamment de critique avec le racisme de certains supporters lors du déplacement à Marseille cette année, on n’a pas besoin de ça non plus ! ». La potentielle venue du Mancunien à l’OM ne laissera en effet pas indifférente au niveau médiatique.

Alors faut-il pardonner à Greenwood, lui donner une seconde chance ou bien rester intransigeant, au nom du respect des valeurs ? Et toi, Jean, qu’est-ce que tu en penses, me glisse en privé un des collègues de Peuple Olympien ? En théorie, je devrais rester neutre, restituer les pour et les contre, et faire une jolie conclusion évasive. Mais ça serait un peu facile de botter en touche. Et ce n’est pas de cette façon que je conçois non plus ma fonction de rédacteur à Peuple Olympien. Cette affaire Greenwood me fait penser aux belles paroles du philosophe Gilles Deleuze : « Nous n’avons pas à juger les autres existants mais à sentir s’ils nous conviennent ou nous disconviennent ». Je n’ai ni à juger, ni à dire s’il faut pardonner ou non Greenwood mais j’ai le plus grand mépris pour les gens qui commettent des violences sur les femmes analogues à celles rendues publiques par Harriet Robson.

Le regard de Will, rédacteur à Peuple Olympien : « Il est de nos jours facile de faire la chasse aux sorcières, Mason Greenwood est aujourd’hui leur cible. Mon point de vue est plus nuancé. A-t-il été condamné pour ces actes ? Non, le problème est visiblement plus complexe. Certains aimeraient être des petites souris pour connaitre avec détail la vie des gens : la réalité c’est que nous n’en savons rien. Si la principale intéressée a fait fit de tout ce passé, ce n’est pas à nous de juger. Faut-il condamner ces images de violences ? Oui, ce n’est pas acceptable, ce n’est pas à banaliser non plus. Personne ne doit se comporter comme ca, plus jamais. La violence ne sera jamais une solution, elle ne sera toujours qu’un problème. Maintenant, avant d’aller voir la paille dans l’oeil du voisin, il faut d’abord regarder la poutre qui est dans le sien. La vérité étant que le loup est déjà dans la bergerie. On a accepté le fait que l’OM puisse recruter des joueurs sans se soucier de l’échelle morale. On a accueilli les bras ouverts un Joey Barton dans nos travées alors qu’il était en procès pour avoir lui aussi agressé sa compagne. Ou encore quand certains sur Twitter en Chevalier Blanc s’affichent avec une PP de Lucho, accusé de tentative de meurtre par sa femme. »

Le but de cet article était de rendre compte des positions antagonistes au sujet de la possible venue de Greenwood à l’OM. Tout en condamnant fermement les violences conjugales de toutes sortes, il s’agissait également de montrer que ce n’est pas sur internet, surtout avec des formules lapidaires, que l’on peut régler la gravité de ces actes.

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