À la fois éducateur et assistant d’éducation, Aimad Sbai nous a accordé un entretien. Il est notamment revenu sur sa très belle saison avec les U16 de l’AC Vedene et a aussi évoqué le rôle de l’éducateur, les U16 de l’OM ainsi que d’autres sujets. Interview réalisée par Karim Sghairi (@SghairiK) pour Peuple Olympien (@peupleolympien).
Aimad Sbai, avant de commencer, pouvez-vous vous présenter ?
A.S. : Je m’appelle Aimad Sbai, Je vais bientôt avoir 25 ans. J’ai la double nationalité, je suis à la fois Français et Marocain. Je suis assistant d’éducation dans un collège et éducateur à l’AC VEDENE.
Ensuite, pouvez-vous nous présenter votre parcours de formateur ?
A.S. : J’ai commencé à l’âge de 17 ans à l’AC AVIGNON. J’ai commencé sur ma première saison à être stagiaire avec Karim BELAIDI sur la génération 2000. J’ai énormément appris de Karim, qui est un grand formateur dans notre district. Sur la saison qui suit, je me suis lancée dans le foot animation où j’ai pu avoir durant 3 saisons des U11, U12 et U13. Suite à ces saisons, j’ai rejoins l’AC Vedene où j’ai pu avoir sur ma première saison la responsabilité de la catégorie U11. Arrivé à un moment où je voulais tenter l’expérience du football à 11 j’ai donc pris la responsabilité de l’équipe U15 D1. Cela fait maintenant 3 saisons que je suis cette génération où avec les réformes nous avons pu passer des U15 D1 aux U17 nationaux. À travers ces 3 saisons j’ai pu valider mes CFF et je passe cette année le BMF.
D’ailleurs, vous considérez-vous comme un entraîneur ou plutôt un formateur ?
A.S. : Je me considère avant tout comme un éducateur. Ce que j’apprécie le plus dans ce métier c’est d’aider des adolescents à se construire humainement et sportivement. Je leur dis toujours que mon objectif avant tout c’est que vous deveniez des hommes exemplaires. Si demain la totalité de mon groupe a un métier, une vie de famille, je serais le plus heureux. Bien sûr qu’on veut aussi avoir des supers joueurs de football mais pour former des supers joueurs de football on essaye de les sensibiliser au maximum sur les valeurs et l’état d’esprit irréprochable que doit avoir un super joueur de football.
Quels principes de jeu aimez-vous mettre en place en tant que formateur?
A.S. : J’essaye souvent d’adapter ma philosophie de jeu par rapport à mon effectif ou par rapport à l’environnement (exemple : terrain). Ceci dit je garde au maximum mes principes de jeu, j’aime que mes équipes se projettent vers l’avant, j’aime que mes joueurs se créent un maximum d’espace pour créer des déséquilibres à l’adversaire dans l’objectif d’aller vers le but. J’aime que mes joueurs prennent des responsabilités. Je donne la possibilité d’aller provoquer son adversaire car j’estime qu’il y’a de moins en moins de joueurs capable d’être insouciant.
Sans ballon j’aime que mes joueurs soient agressifs et solidaires dans l’effort. D’aller récupérer le ballon le plus haut possible à travers des phases de pressing. Sur l’idée globale, j’explique aux joueurs que quand on a le ballon, nous devons se positionner en fonction des espaces ouverts par l’adversaire. Et dans le cas où on n’a pas le ballon, de se positionner en fonction de son partenaire, du ballon et du but. Voilà ma façon de voir le football.
Quels sont vos modèles d’entraîneurs ?
A.S. : J’aime beaucoup Jürgen Klopp et Diego Simeone. Ils ont certes une philosophie de jeu différente mais j’apprécie énormément leur relationnel avec les joueurs. Les nouvelles générations ont besoin de confiance et mise en valeur et j’apprécie énormément ces deux entraîneurs. Ayant la double nationalité j’ai aussi énormément apprécié le travail d’Hervé Renard au sein de la sélection marocaine. Il a rendu une équipe qui se projette vite vers l’avant et d’une façon extraordinaire à récupérer le ballon très rapidement auprès de son adversaire. J’aimerais vraiment voir son profil dans un gros club français.
Pouvez-vous nous présenter votre club, l’AC Vedène ?
A.S. : L’AC VEDENE est un club qui a été créé en 1935. Le club se situe dans le Vaucluse, à 5 km d’Avignon. Nous avons une équipe senior qui va accéder au niveau R2 et des équipes jeunes qui commencent à gravir les échelons régionaux. L’AC VEDENE devient depuis peu un des cadors du district grand Vaucluse, si ce n’est le club phare en terme de niveaux au sein de toutes les catégories.
Comment êtes-vous arrivé à l’AC Vedène ?
A.S. : Après 3 saisons à l’AC Avignon, j’ai eu un désaccord avec la politique du club. J’étais très attaché à l’ACA mais à ce moment-là, la direction ne voulait pas me faire confiance car ils estimaient que j’étais trop jeune pour prendre la responsabilité de la catégorie U13. J’ai été sollicité par Cyril OLIVIER, directeur sportif de l’AC VEDENE, qui m’a expliqué le projet du président Didier RICARD. J’ai énormément apprécié le projet et surtout le discours de Cyril, j’ai donc pris la décision de rejoindre l’AC VEDENE avec l’unique intention de prouver qu’on pouvait faire confiance aux jeunes éducateurs et c’est pour cela que je remercie du fond du cœur Didier RICARD, Cyril OLIVIER, Youcef MAKHECHOUCHE et le comité directeur pour leur confiance absolue.
Pouvez-vous nous parler de votre saison, autant sur le plan personnel qu’au niveau collectif ?
A.S. : Sur le plan personnel j’ai vécu une saison exceptionnelle… Sincèrement, je suis très fier de pouvoir faire partie de ce groupe. Sur le plan collectif, très fier de mes joueurs. J’ai senti vraiment à travers cette saison une progression individuelle et collective de la part de mes joueurs. Nous avons pris des points dans des rencontres où nous étions par le passé incapable d’en prendre, dans ce genre de rencontres. Pour ma part j’ai senti une progression cette saison car j’ai travaillé aux cotés de Charles DECORZENT. La relation que j’ai à ses côtés me rend meilleur. C’est l’homme qui a tout gagné dans notre département et c’est une fierté et un honneur pour moi de me considérer comme son élève.
Si vous devriez ressortir un moment de cette saison, lequel serait-il ?
A.S. : Je pense notre dernier match face à l’Olympique de Marseille. Un stade plein avec presque 600 personnes… Une ambiance incroyable et fantastique. On a été transcendé par ce public et la prestation contre l’OM a été complète, avec un scénario où on égalise à la dernière minute donc forcément nous avons ressenti une forte émotion. Mon plus beau souvenir dans le football.
Vous avez affronté l’OM U16 cette saison, quels sont pour vous les qualités et les défauts de cette équipe ?
A.S. : Une équipe incroyable qui prône tout simplement tous les principes de jeu que j’adhère. Une équipe qui défend en avançant, se projette vers l’avant, qui a des individualités qui percutent et qui sont insouciantes. Trouver des défauts à une équipe qui maîtrise le championnat de A à Z c’est difficile, ceci dit j’ai trouvé contre nous sur le match retour, une équipe qui a eu beaucoup de difficulté à gérer ces émotions. J’étais fier sur ce match-là car j’ai senti que ce match avait été formateur pour eux aussi car quand tu maîtrises tes adversaires c’est bien mais dans un cursus de formation on doit faire face aussi à l’adversité et à la difficulté pour progresser.
En prenant un peu de recul durant les trois dernières saisons, vous avez enchaîné trois montées successives, quel est votre secret ?
A.S. : Le travail et la remise en question permanente. C’est difficile d’attaquer une nouvelle saison quand tu as fini en haut la saison passée. C’est difficile d’être régulier et de continuer à être compétitif. Pour y arriver, je mets constamment les garçons sous pression à travers la concurrence. Mon discours d’avant-saison est toujours identique. « Les compteurs sont remis à 0 donc tout reste à prouver. » Sur l’état d’esprit j’ai toujours fait en sorte de prendre des garçons qui sont dans l’esprit. Je me suis privé de très bons joueurs durant ces 3 saisons parce que sur le plan collectif ils n’avaient pas l’esprit pour être avec nous. On est une famille et c’est notre force depuis le début.
Sur ces nombreuses saisons, est-ce que tu as vu des joueurs que tu pensais voir à un niveau plutôt moyen, devenir en fait des éléments clés de ton effectif ?
A.S. : Bien sûr, les garçons sont en pleine croissance et les corps changent d’année en année. J’explique souvent, quand j’évalue un garçon, que son niveau d’aujourd’hui n’est pas forcément celui de demain. Ceux qui ont du retard sur le plan athlétique pourront le rattraper sur les années qui suivront. C’est pour cela que je pars du principe qu’il faut évaluer un garçon à cet âge-là sur ses qualités techniques, de réflexion du jeu, sur son mental et sur son changement de rythme sur le plan athlétique. Ceci dit, ma réflexion ne veut pas dire que le plan athlétique n’est pas important car il faut trouver un équilibre dans une équipe, mais je veux surtout expliquer qu’on doit évaluer un joueur sur le plan athlétique à partir de 17–18 ans, quand l’écart physique, dut à la croissance, commencera à se resserrer.
D’ailleurs, votre gardien Baris Degermency va rejoindre l’OM. Quels sont pour vous ses qualités et axes de progression ? Pensez-vous que sur la durée, c’est un joueur qui pourrait s’imposer dans le monde professionnel, dans un club comme l’OM ?
A.S. : Baris est un gardien qui a toutes les qualités qu’on demande à un gardien du football moderne. Il aime le football, il comprend très bien le jeu, ce qui lui permet d’anticiper les phases de jeu adverses. Il est vif, il a une très bonne détente, il a de très bonnes bases techniques sur ses prises de balles et a un super jeu au pied. L’expérience au pôle espoir lui a permis de l’aider sur l’aspect mental car le fait d’être dans ce contexte où tu es loin de ta famille et l’a aidé à gagner en maturité. Je ne donne jamais d’avis sur un garçon de cet âge-là pour savoir s’il finira professionnel ou pas. Encore plus pour un gardien, car l’aspect athlétique est devenu primordial pour un gardien et on ne sait pas quelle taille fera Baris à la fin de sa croissance.
Ceci dit, ce que je peux dire c’est qu’il sera dans un environnement où il aura tout pour réussir… La politique du centre de formation de l’OM est devenue très alléchante avec le travail de recrutement de Sébastien PEREZ et encore plus cette saison avec l’arrivée de Nasser LARGUET, qui est un grand monsieur du football marocain.
Il y a aussi Amine Es Souidi qui est très courtisé par l’OM. Quels sont pour vous ses qualités et axes de progression ?
A.S. : Amine est un garçon qui a des qualités techniques très élevées et une compréhension du jeu vraiment très intéressante. Il a un an de moins et il est un titulaire indiscutable dans notre registre depuis deux saisons. Aujourd’hui, le football moderne aime les statistiques et j’essaye de l’aider à franchir un pallier sur sa projection vers l’avant… À être plus présent dans la surface de réparation… En tout cas il a l’état d’esprit pour aller loin et aujourd’hui je n’ai aucune honte de dire qu’à son poste, c’est de loin le meilleur joueur du district grand Vaucluse et quand je vois que certains de son poste du district ont rejoint des centres, cela me fait mal au cœur.
Sinon, quel est votre regard sur le foot amateur en PACA ?
A.S. : Le football amateur en PACA est très élevé je trouve. Le niveau collectif des équipes est vraiment cohérent. Je pense que la Ligue Méditerranée fait partie des meilleurs ligues sur le plan national. Je soutiens complètement la politique de l’Olympique de Marseille qui privilégie au départ les joueurs de la région… En formant des joueurs de la région, tu auras des joueurs avec une identité locale. Le football est avant tout un sport populaire. Alors si tu peux former au maximum des supers joueurs locaux, avec une vraie identité de la région, ce n’est que mieux.
Pour finir, que pouvons-nous vous souhaiter pour la suite ?
A.S. : Me souhaiter de continuer à prendre un maximum de plaisir et de continuer à apprendre constamment de ceux qui m’entourent. Je vais vivre une expérience exceptionnelle à mon âge donc il faut bien s’entourer et faire en sorte de garder les pieds sur terre, car le football va très vite et on peut vite faire l’ascenseur.