Alors que l’OM vient de célébrer les 30 ans de sa victoire en Ligue des Champions, un nouvel anniversaire se profile, le centenaire de son premier trophée : la Coupe de France 1924.
Fêter le centenaire de la création d’un club est déjà un événement marquant en soi. D’ailleurs, pour la saison 2023-2024, la moitié des clubs évoluant en Ligue 1 n’ont pas encore atteint cette étape. Célébrer le centenaire d’un trophée national, c’est donc encore plus rare, réservé à une élite de clubs. Le Havre, par exemple, qui a remporté le championnat de France de l’USFSA en 1899, 1900 et en 1919 contre l’OM.
Un club en quête de gloire
L’OM était en quête d’un trophée national depuis sa création. Le Stade Helvétique de Marseille avait pris le devant de la scène locale et nationale, en remportant trois championnats de France et une finale. Reléguant ainsi l’OM au second plan. Cependant, la première guerre mondiale changea la donne en faisant disparaître le club (jugé trop germanique). Les joueurs désormais libres rejoignirent l’OM. Ceux-ci participèrent à la première finale du club, le championnat de l’USFSA 1919.
Suite à cette défaite 4-1 en finale, des changements majeurs eurent lieu au sein du club. Les anciens de l’Helvétique partirent. André Gascard raccrocha les crampons et le président Paul Le Cesne démissionna, après 12 ans à la tête du club (détenant toujours le record de longévité pour un président à l’OM). Marino Dallaporta prit la relève. Parallèlement, la France entra dans une nouvelle ère avec la création de la Coupe de France. Réunissant toutes les fédérations du football français.
Un début de saison en patron
Le début de cette saison 1923/1924 fut marqué par l’arrivée de l’Ecossais John Mac Lalhan à la tête de l’OM. Amenant avec lui le duo de choc, Edouard Crut (Gallia Club) et Jean Boyer (CASG Paris). Dès le début, l’OM enchaîne six matchs sans défaite. Et bien qu’il y ait eu une victoire potentielle contre Sète, celle-ci ne fut pas comptabilisée. Les Sétois arrêtant de jouer à la 81ème minute suite à un but de l’OM.
Cependant, l’aventure de Mac Lalhan prit fin, et dès le 1er janvier, André Gascard fit son retour sur le banc de l’OM pour mener l’équipe en Coupe de France.
L’Epopée de la Coupe de France 1924
L’OM se hisse jusqu’en quarts de finale, après une victoire contre le FC Mulhouse (4-1), en 16èmes de finale. Puis une victoire sur le même score face au FC Dieppe (4-1) en 8èmes. En quart de finale, l’OM affronte le Stade Français, un club de Paris qui dominait le palmarès de la Coupe.
Le match, disputé à Sète, fut particulièrement serré et s’est conclu sur un match nul 2-2. À l’époque, il n’y avait pas de prolongation (à ce stade) et les tirs aux buts n’existaient pas encore. Il est donc convenu d’un nouveau match à Villeurbanne.
Lors du quart de finale retour, l’OM domina tout le long de la rencontre. Mais le Stade Français mena 2-0 à la 80ème minute. L’OM ne baissa pas les bras et Jean Boyer, auteur d’une performance magistrale, marqua trois buts dans les dix dernières minutes du match (80ème, 85ème et 90ème minute). Le Stade Français prit une douche froide et l’OM se qualifia en demi-finale.
Durant celle-ci, l’OM se rendit à Bordeaux pour affronter le FC Rouen. C’était un adversaire expérimenté qui avait atteint sa 3ème demi-finale de Coupe de France consécutive. L’OM ne livra pas une belle bataille, mais parvint à s’imposer 3-1 grâce à un but décisif de Cabassu à la 59ème minute et un penalty de Crut. Cette victoire qualifia l’OM pour la finale, qui allait se dérouler à Pershing.
Dans l’autre demi-finale, Le Havre et le FC Sète durent se réaffronter trois fois pour déterminer le vainqueur. C’est finalement Sète qui l’emporta 2-0, offrant ainsi une finale 100% provinciale et 100% Sud-Est. Une première dans la Coupe de France.
Pas favoris pour la finale mais la volonté de faire l’exploit
Les Marseillais ne partaient pas favoris pour la Coupe de France. Surtout face au mastodonte qu’était Sète, le finaliste de la dernière édition. Le parcours de l’OM jusqu’en demi-finale était déjà héroïque. L’équipe adverse était coachée par l’entraîneur-joueur écossais Victor Gibson, l’un des fondateurs du club de Sète. Le match étant arbitré par Louis Fourgous. Lui qui avait déjà dirigé la finale du Championnat de France 1919 opposant l’OM au Havre AC.
L’équipe alignée par le coach André Gascard pour cette finale historique était la suivante :
Le Gardien
Bobby Van Ruymbeke (Gardien) : Anastase dit « Bobby ». Un gardien belge de 26 ans, cadet de la famille, il était le numéro un de l’OM cette saison-là. Arrivé en 1920, sa carrière fut écourtée juste après la finale suite à un accident qui brisa sa jambe en mille morceaux. Il joua tout de même quelques matchs jusqu’en 1927 avant de raccrocher les gants.
Les Arrières
Paul Seitz, 26 ans. Il a joué dans les classes jeunes du club. Passant toute sa carrière à l’OM, il démarra dans l’équipe fanion dès 1918/1919. Lui ne joua pas la finale du Championnat de l’USFSA contre Le Havre car encore trop jeune. Seitz devint réellement un titulaire indiscutable à partir de la saison 1919/1920. Il disputa depuis ce jour quasiment tous les matchs, dont notamment cette finale. Sa carrière à l’OM prit une tournure étonnante suite à la blessure de Bobby Van Ruymbeke et au départ surprise de Robert Bastiani (autre gardien) la saison suivante. C’est lui qui tint les cages lors de la saison 1925/1926. Un intérim d’un an qui fut une véritable réussite puisque l’OM remporta la Coupe de France pour la deuxième fois.
A cause de son âge et de la concurrence à son poste d’arrière qu’il venait de retrouver, il fit ses deux dernières saisons avec un temps de jeu déclinant. Il raccrocha les crampons en 1928, à 31 ans. Son histoire avec l’OM n’étant pas tout à fait terminée, il entraîna le club juste après la fin de sa carrière. Remportant le championnat de France 1929, le premier du club.
Jean Jacquier, surnommé « Séraphin » et âgé de 26 ans. Il commença à l’OM chez les jeunes avant d’être, à 17 ans, catapulté avec l’équipe fanion, à cause de la première guerre mondiale qui mobilisa les joueurs phocéens. Commençant en tant qu’avant, il redescendit de deux crans en tant qu’arrière, à partir de 1922/1923. C’est ce rôle qu’il garda en étant titulaire jusqu’en 1932 et avec lequel il remporta tous ses trophées (Coupe de France 1924,1926,1927 et Championnat de France 1929). Il prit sa retraite en 1933, à l’âge de 36 ans.
Les Milieux
Jean Cabassu, 22 ans, était déjà une figure emblématique de l’OM. Il fit ses débuts à l’âge de 15 ans et joua pour le club en plusieurs périodes (une saison au FC Lyon et une saison au Stade Français), remportant de nombreux titres : la Coupe de France 1924 ,1926 et 1927 ainsi que le championnat de France 1929. Il prit sa retraite en 1931.
Raoul Blanc, surnommé « Ratou », ce Marseillais de 18 ans était le plus jeune du 11 aligné pour la finale, ayant fait ses débuts avec l’équipe première l’année d’avant. Il joua tous les matchs de Coupe cette saison-là. Par la suite, il fit, comme beaucoup d’autres, toute sa carrière au club. Soulevant en 1926 la Coupe de France, il ne participa pas au sacre de 1927. Très probablement à cause d’une blessure. Suite à cette absence remarquée, il garda un rôle plus sporadique lors de la saison 1927/1928. Il fut tout de même champion de France en 1929. Il raccrocha les crampons à l’âge de 27 ans seulement, bien loin de la carrière à laquelle il était promis.
Apollon Torta, ce Marseillais de naissance (28 ans) avait été recruté la saison précédente au SA Provençaux. Il ne resta qu’un an à l’OM avant de repartir à La Ciotat, sans laisser de grands souvenirs aux supporters marseillais.
Les Avants
Concernant Adolphe Michel, très peu d’informations sont disponibles sur lui. Il fit partie de l’équipe qui remporta la Coupe de France 1924 avant d’arrêter sa carrière et de disparaître.
Louis Subrini, ce Corse de 22 ans rejoignit l’OM après avoir joué aux Sports Athlétiques Provençaux, au côté d’Apollon Torta. Il resta trois ans à Marseille, remportant la Coupe de France 1926, avant de retourner dans son club.
Douglas Van Ruymbeke était le plus âgé des joueurs alignés pour la finale, avec ses 30 années passées. Faisant la majeure partie de sa carrière au Stade Louvaniste en Belgique (ancêtre du club d’OHL), il joua cinq ans à l’OM entre temps. Il remporta la Coupe de France en 1924, 1926 et 1927 avant de prendre sa retraite avec la réserve en 1929.
Edouard Crut : un attaquant marquant par sa puissance
Edouard Crut, dit “Doudou” ou “Mélanie”, fêta ses 23 ans dans les jours qui suivirent la finale. Son nom résonne pour toutes les personnes qui connaissent un minimum l’OM. C’était un attaquant aux tirs incroyablement puissants, qui selon la légende faisaient reculer les murs du stade de l’Huveaune. C’était clairement une des premières vedettes du club phocéen. Il proposa, au moment de son transfert (à l’été 1923), de recruter son ami et international français Jean Boyer.
Les deux joueurs eurent un travail de complaisance à une ère où règne un amateurisme marron. Crut n’était pas encore international mais le devint dès la fin de la saison, pour les Jeux Olympiques de Paris (La Coupe du Monde n’existant pas encore, les JO faisaient donc office de titre mondial). Il joua tous les matchs sans exception, devenant vainqueur des Coupes de France 1924, 1926 et 1927. Il partit pour l’OGC Nice en 1927 et revint terminer sa carrière à l’OM en 1935. Ceci pour un seul match de première division, dans l’équipe des Zatelli, Pepito Alcazar et Willy Kohut.
Jean Boyer : la première grande légende de l’OM
À 23 ans, il était déjà une star du football français. Lui avait déjà gagné la Coupe de France en 1919, à l’âge de 18 ans seulement. Ce dernier devint international français très jeune aussi, à 19 ans, sélectionné à l’occasion des Jeux Olympiques de 1920, où l’Équipe de France s’inclina en demi-finale contre la Tchécoslovaquie. Il devint réellement une vedette nationale quand il marqua à 20 ans le but de la victoire française sur l’Angleterre. La première. Il arriva à l’OM grâce à Edouard Crut en 1923. C’était le meilleur buteur de la saison 1923/1924, avec 23 buts (dont 12 en 7 matchs de Coupe de France). Il a marqué dans toutes les confrontations de Coupe, sauf en demi-finale.
A l’inverse de Crut, Jean Boyer passa le restant de sa carrière à l’OM. Celui-ci remporta les Coupes de France 1924, 1926, 1927 et 1935. Soit 40% des Coupes de France de l’OM. Mais aussi le championnat de France 1929. Il s’arrêta en 1935, à l’âge de 34 ans, devenant le meilleur buteur de l’histoire du club avec 170 buts en 181 matchs de l’OM. L’attaquant fit dépassé bien plus tard par Gunnar Andersson, Josip Skoblar et Jean-Pierre Papin. Il reste encore aujourd’hui l’attaquant le plus prolifique qu’a connu l’OM. Une légende.
La finale
Le 13 avril 1914, au Stade Pershing de Paris, ce sont plus de 25 000 supporters qui se rassemblèrent dans les tribunes pour assister à la septième finale de la Coupe de France. L’équipe de Sète était réputée pour sa technique et sa rapidité. Les Marseillais étaient conscients du défi qui les attendait.
Le coach André Gascard donna ses consignes : pour Crut, Boyer et Cabassu, aller à l’attaque et montrer leur talent. Les autres joueurs, eux, devaient se dépenser au maximum pour récupérer le ballon et le remettre à leurs coéquipiers offensifs.
Dès la 3ème minute, Edouard Crut ouvrit le score pour l’OM, donnant espoir à son équipe. Cependant, dès le quart d’heure de jeu, Bobby commit une erreur et permit à Louis Cazal de marquer. Sète égalisa, 1-1. Juste avant la mi-temps, Jean Boyer reçut une passe magnifique en profondeur. Il s’élança et trompa le gardien adverse, redonnant l’avantage à l’OM, 2-1.
Au retour des vestiaires, les joueurs de Sète se montrèrent frustrés et n’arrivèrent pas à concrétiser leurs occasions. À la 67ème minute, sur un tir contré, Apollon Torta commit malencontreusement une erreur qui aida Sète à égaliser, 2-2. Fin du temps réglementaire. Le match enchaîna sur des prolongations.
Ce furent 11 minutes qui suffirent pour que l’arbitre siffle une faute et accorde un coup-franc aux 25 mètres. C’est « Mélanie » (Édouard Crut) qui se chargea de le tirer. Il décocha une frappe puissante, effleurée du bout des doigts par le gardien sétois et atteignant le fond des filets. L’OM prit l’avantage à 3-2. Les Marseillais décidèrent alors de camper devant leurs cages pour résister durant les 9 dernières minutes de prolongation. Mission accomplie : ils s’adjugèrent gagnant du premier trophée de leur histoire. La Coupe de France est à Marseille !
Cette victoire a permis de tout construire
C’est Jules Rimet qui remit le trophée à Jean Boyer, déclarant : « Je remets la plus belle au meilleur. ».
Les Marseillais ne découvrirent la victoire qu’à la mi-temps du match de rugby Marseille-Toulouse. Cependant, dès que la nouvelle se répandit, des milliers de supporters se rassemblèrent dans Marseille, et principalement sur la Canebière, pour célébrer cette grande victoire.
Depuis cet événement historique, l’Olympique de Marseille a écrit de nombreuses autres pages mémorables dans l’histoire du football. Au cours d’un siècle de compétitions, l’OM a participé à 35 finales majeures et a remporté pas moins de 22 titres : 10 Coupes de France, 11 championnats de France et la Ligue des Champions, faisant de Marseille et de son club un véritable monument du football français.
Cependant, malgré les succès passés, l’OM tente toujours de renouer avec les glorieux jours de 1924. Le dernier titre majeur en date, le championnat de France 2010, prend progressivement de la poussière et l’absence de titres en Coupe de France depuis 35 ans pèse lourdement dans les esprits.
En souvenir de ces vaillants, tombés dans l’oubli, qui ont réalisé l’exploit face à un rival redoutable : le FC Sète, autrefois doté de gros moyens mais qui, comme un comble, vient de disparaître cet été. Les Marseillais doivent aspirer, dès cette saison, à conquérir de nouveau la Coupe de France. Afin d’honorer l’histoire glorieuse de l’OM et de perpétuer la douce folie ainsi que la passion déchirante qui lie toutes les générations de supporters.