Aujourd’hui actionnaire de l’Athlético de Marseille, Souleymane Diawara livre pour Peuple Olympien ses meilleurs souvenirs passés sous le maillot de l’OM. Il évoque son arrivée en 2009, le déclic qui a permis le titre de champion de France, ses titres avec le club et sa relation avec Pape Diouf. Entretien.
Comment vas-tu ? Comment as-tu vécu cette période de confinement ?
Je l’ai vécue comme tous les Français. On n’avait pas le choix. On a tous pris notre mal en patience. Je suis resté chez moi et j’ai respecté les consignes de la meilleure façon possible.
Peux-tu nous parler de ton projet avec l’Athlético de Marseille (National 2) ? Quel est ton rôle au sein du club ?
À l’Athlético, je suis actionnaire avec Cyril Hanouna et Mamadou Niang. Ce projet me tient à cœur car c’est important pour moi de redonner au football ce qu’il m’a donné. C’est-à-dire aider les jeunes des quartiers à s’en sortir par le sport. L’objectif, c’est aussi d’éviter qu’ils fassent des bêtises donc lorsqu’il s’est proposé à moi, ce projet m’a tout de suite plu. Aujourd’hui, je suis l’équipe de l’extérieur car je ne suis pas sur le terrain même s’il m’arrive parfois de donner des conseils aux défenseurs lorsque le coach m’y autorise.
Quels sont les objectifs pour le club ?
Monter, monter et encore monter ! J’ai eu la chance de jouer en tant que professionnel et l’objectif c’était d’aller le plus haut possible. Mais il ne faut pas s’enflammer… Le football fonctionne étape par étape. Pour l’instant, la Ligue 1 est encore loin mais ça fait partie des objectifs du club.
Tu penses vraiment qu’il y a la place pour deux clubs à Marseille ?
Marseille est une grande ville ! Lorsqu’on regarde avec attention, dans tous les pays il y a deux clubs dans chaque ville. C’est le cas à Milan, à Madrid, à Manchester, etc. Il n’y a qu’en France qu’on ne retrouve pas deux clubs d’une même ville en première division. Ça serait beau si on arrivait à faire ça à Marseille (rire).
On entend beaucoup parler d’un intérêt de Mourad Boudjellal. Il est intéressé par le projet ?
Il y a des échanges entre lui et le club mais pour l’instant rien n’est fait. Nous l’avons rencontré dans un cadre amical et nous avons évoqué beaucoup de sujets. Nous avons parlé de rugby et de football. C’est un sport qu’il aime beaucoup. Mourad Boudjellal est une personne très intéressante donc à l’avenir pourquoi pas mais, encore une fois, à ce jour il n’y a rien du tout.
J’ai le souvenir de toi au stade Mayol à Toulon en train de jouer au rugby d’ailleurs…
J’avais kiffé ! C’était en 2013 pour un match caritatif entre l’OM et le Rugby Club Toulonnais au profit des enfants malades. On avait fait une mi-temps foot puis une mi-temps rugby. Heureusement que les joueurs du RCT avaient joués tranquilles sinon ils nous auraient envoyés directement à Marseille ! On s’est régalé ce jour-là, c’était une belle expérience. D’ailleurs, quand j’étais plus jeune j’ai un peu joué au rugby.
Il y a 10 ans, l’Olympique de Marseille était champion de France. Quel souvenir gardes-tu du match contre Rennes au Vélodrome ?
Celui d’un match exceptionnel ! Ça faisait très longtemps que le club n’avait pas remporté de titre, hormis la Coupe de la Ligue quelques semaines plus tôt… Mais ce match était tendu car on ouvre le score, on se fait rejoindre puis il y a Mamad’ (Niang) qui marque et ensuite Lucho Gonzalez enchaine et il nous délivre. À ce moment-là, l’ambiance dans le stade était magnifique et électrique. Les supporteurs ont chanté du début à la fin. C’était inoubliable.
Pourtant, ce n’était pas gagné à la trêve car le club était en milieu de tableau… Dernièrement, Christophe Manouvrier expliquait à Peuple Olympien que le déclic s’était fait à la suite d’une de tes prises de parole. Tu te souviens de ce qu’il s’est passé ?
C’est vrai. Ça s’est passé juste après Montpellier, fin janvier 2010 (défaite 2-0). Ce jour-là, on avait très mal joué. On sentait que quelque chose n’allait pas et qu’il y avait un problème. Le lendemain au décrassage, avec les cadres, on s’est concertés pour crever l’abcès et on a demandé au coach de laisser l’ensemble des joueurs seuls dans le vestiaires. Sans aucun entraineur. Et là on s’est rentré dedans ! Tout ce qui n’allait pas a été évoqué et personne n’a triché. Même les plus jeunes ont pu dire aux anciens ce qu’ils leur reprochaient. Tout le monde s’est dit des vérités et ça fait du bien. Par exemple, j’ai personnellement reproché à Mamad (Niang) de toujours râler sur le terrain parce que les ballons ne lui arrivaient pas dans les pieds… Selon moi, c’est ça le déclic de la saison parce qu’après cet épisode, le groupe était uni. L’ensemble des joueurs tiraient dans le même sens et on a été inarrêtables avec cette série de 14 matches sans défaite. La suite on la connait.
C’était quoi la force de cet Olympique de Marseille 2009-2010 ?
L’état d’esprit. On avait la chance d’être entourés d’un staff qui connait le très haut niveau. Et puis il y avait de l’homogénéité dans le groupe avec des jeunes et des joueurs plus expérimentés. Tout le monde tirait dans le même sens. Sans cet état d’esprit, c’est très difficile d’avoir des résultats.
En juillet 2009, qu’est-ce que tu te dis quand tu apprends que l’OM s’intéresse à toi ?
J’étais très fier qu’un tel club s’intéresse à moi. À l’origine, c’est Pape Diouf, lorsqu’il était encore président de l’OM, qui m’avait déjà parlé d’un transfert quand j’étais à Bordeaux. Moi j’étais sous contrat donc je lui avais dit de parler directement avec mon club. Pour l’anecdote, durant ce mercato, avant que l’OM me sollicite concrètement, le Paris Saint-Germain était intéressé par mon profil.
Qu’est-ce qui a fait la différence entre l’OM et le PSG ?
J’avais la sensation que Marseille me voulait beaucoup plus que Paris. Le président Pape Diouf et le coach Didier Deschamps me montraient qu’ils me voulaient vraiment et c’est quelque chose de très important pour moi, même s’il y avait peut-être un peu plus d’argent en face. Et puis il y avait Mamadou Niang, dont je suis très proche, qui n’arrêtait pas de me parler de l’OM. Il me disait que j’allais kiffer, la ville, le stade…
Avant l’OM, tu avais déjà gagné quelques trophées (Coupe de la Ligue 2004 avec Sochaux et championnat de France 2009 avec Bordeaux) et donc une belle expérience du haut niveau. Mais quand tu as débarqué à l’OM il y a Gabriel Heinze, Lucho Gonzalez, Steve Mandanda. Qu’est-ce que tu t’es dit en voyant ces joueurs ?
Ce que je me suis dit c’est « Wahou ! C’est un autre niveau ! » J’arrivais dans un club où il y avait des joueurs internationaux, qui avient remporté de nombreux titres. Après je ne suis pas une personne facilement impressionnable… Il y avait surtout beaucoup de fierté de faire partie de cet effectif car je me suis dit que je n’étais pas ici par hasard. Après, j’ai donné le meilleur de moi même
Tu avais la réputation d’être un joueur rugueux. Qu’est-ce que tu faisais en match pour intimider ton adversaire ?
Rien de spécial. Tu passes devant lui, tu lui montres tes crampons, tu lui fais ressentir que tu es présent dès le premier contact. Mais attention, je ne suis pas le genre de joueur qui essaye d’intimider son adversaire de manière verbale… J’ai essayé de faire ça une fois mais ça n’a pas marché du tout (rire). Le joueur en question c’était Cristiano Ronaldo mais c’était un monstre il n’y avait rien à faire !
Justement, il y a eu ce match au stade Bernabéu à Madrid où tu tacles durement Cristiano Ronaldo. Suite à cela il va être blessé de longues semaines et la presse madrilène ne parlait que de ça. Tu as souffert des critiques à ton encontre ?
Je n’étais pas vraiment au courant de tout ce qu’il se disait mais une rumeur est arrivée jusqu’à mes oreilles disant que le Real Madrid voulait porter plainte contre moi. Au-delà de cette rumeur, pour être honnête, j’étais un peu dégoutté que Cristiano se blesse aussi longtemps suite à mon tacle parce que je ne suis pas un joueur méchant, qui va faire exprès de casser quelqu’un. J’étais un défenseur agressif mais blesser ce n’est pas dans mes habitudes. De plus, j’adore ce type de joueur car le football c’est un spectacle. Avec le club on avait envoyé un mail pour s’excuser.
En cinq saisons avec l’OM, tu as joué plus d’une vingtaine de matches de Ligue des Champions. Quel effet ça fait de jouer cette compétition ?
Quel joueur n’aimerait pas jouer dans les plus beaux stades du monde contre les plus grands clubs du monde ? C’était un rêve ! Quand j’étais plus jeune, je me disais que je voulais jouer la Ligue des Champions. Puis j’ai eu l’occasion de le faire avec Bordeaux et l’OM. C’était un régal. Mon meilleur souvenir dans cette compétition c’est le but de Brandao à San Siro contre l’Inter en 2012 (défaite 2-1) avec son contrôle du dos qui nous envoie en 1/4 de final. On avait tous les bras levés, c’était un grand moment de bonheur.
L’OM va justement jouer la C1 la saison prochaine. Quels conseils donnerais-tu aux joueurs ?
Jouer simple et ne pas se mettre la pression pour rien. Ce n’est que du football et dans ce genre de match c’est très important de prendre du plaisir.
Après une période de réflexion, André Villas-Boas resterait le coach de l’OM pour la saison prochaine. Qu’en penses-tu ?
S’il a donné sa parole, c’est une très bonne chose qu’il reste car il a construit un groupe. Avec lui, tout le monde tire dans le même sens et cette année on a vu une très belle équipe de Marseille. Il y a quelques semaines, j’étais triste à l’idée qu’il puisse partir parce que ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu une équipe comme ça, capable de se qualifier pour la Ligue des Champions. J’espère que ça va continuer
Avant l’OM tu as aussi connu la Première League pendant un an. Tu peux me parler de cette expérience à Charlton et en Angleterre plus particulièrement ?
Sur le plan personnel, je me suis régalé là-bas. C’était une expérience inoubliable car j’ai découvert un autre championnat et une autre mentalité avec un esprit de compétition que je n’avais jamais vu. Par exemple à l’entrainement c’est très dur ! Il n’y a pas de différence avec les matchs. Ils sont tout le temps à fond, il n’y a pas de tricheur. Lorsque je suis arrivé je me suis dit : « Mais comment ils font ces mecs ? ». Au début c’était un peu dur car l’arbitrage n’est pas le même qu’en France et les gros contacts physiques ne sont pas forcément sifflés. En match, les quatre premiers mois je me faisais jeter en l’air (rire). Puis, au bout de quelques matchs j’ai commencé à monter en agressivité et j’ai vu que les arbitres ne sifflaient pas… Tout au long de cette saison, l’intensité m’a vraiment impressionné et j’ai beaucoup appris.
Tu as été formé au Havre puis tu es parti à Sochaux. Tu n’as pas grillé les étapes comme on dit. Ça a été important pour toi de faire « étape par étapes » ?
Je ne sais pas si c’est vraiment important. Personnellement, je suis rentré dans le centre de formation du Havre à 18 ans et mon premier match professionnel je l’ai joué à 20 ans alors qu’aujourd’hui les jeunes joueurs sont bien plus précoces. Il fallait donc que je travaille plus que les autres et il m’arrivait fréquemment de rester après les entrainements pour combler mes manques. Puis je suis monté en puissance avec Sochaux, Charlton, Bordeaux, Marseille et Nice. Je suis très content de ma carrière.
Les jeunes partent-ils trop rapidement et trop jeunes de leur club formateur ?
Non pas forcément. S’ils partent c’est qu’ils ont la capacité et le niveau. Beaucoup sont partis jeunes de leur centre de formation et ont réussi. L’inverse s’est produit également à de nombreuses reprises mais c’est un choix. Mais il faut se mettre dans la tête que quand on propose un gros club à un jeune, c’est très difficile de refuser car quoi qu’il arrive ça sera bénéfique : tu vas apprendre et encore apprendre. Même si tu ne t’imposes pas dans ce grand club, lorsque tu rebondiras dans une équipe moins huppée, tu pourras reproduire les choses que tu as vues au contact de grands joueurs.
À Bordeaux, Jean-Louis Gasset a raconté une anecdote sur une conversation que tu as eue avec lui. Il t’aurait conseillé de sortir le soir et de faire la fête. C’est vrai ça ?
C’est tout à fait vrai. Au début, lorsque je suis arrivé à Bordeaux, je faisais seulement trois choses : matchs, entrainement puis je rentrais à l’hôtel. Les premiers mois avec les girondins ont été délicats car j’avais du mal à m’imposer et un jour Jean-Louis Gasset, l’entraineur adjoint de Laurent Blanc, m’a convoqué pour me demander ce qui se passait. Pendant l’entretien je me confie, je suis transparent et là il me dit de reprendre ma vie de « bâtard » (rire). Mais suite à ça les gens ont pensé que je sortais tous les jours… Mais ils sont fous de penser ça. Vous pensez vraiment qu’il est possible de faire une carrière professionnelle comme la mienne en faisant la fête tous les soirs ? Après je dois avouer que j’aimais sortir après les matches…
On parle souvent de l’hygiène de vie des footballeurs. En quoi c’est important d’être sérieux en dehors du terrain ?
C’est très important car le joueur le ressent directement sur le terrain. Par exemple, l’alimentation est une donnée à prendre en compte. Tu ne peux pas faire n’importe quoi et te permettre de manger un kebab la veille d’un match car tu vas être tout mou sur le terrain. On connait notre corps et rien que de prendre 500 grammes tu vas le ressentir dans tes premières foulées.
C’est plus fort un titre de champion de France avec Bordeaux ou avec l’OM ?
C’est différent. Un titre reste un titre donc il ne faut pas sous-estimer l’un ou l’autre. Avec Bordeaux, c’était mon premier donc j’en garde un souvenir précieux. Après c’est vrai qu’à Marseille c’était la folie juste pour la première coupe de la Ligue qu’on a gagnée en avril 2010. Le Vieux-Port était en feu et là je me suis dit « C’est quand même autre chose » (il siffle). Et pour le titre, c’était encore autre chose avec presque 120 000 personnes qui nous attendaient entre l’aéroport de Marignane et le Vieux-Port. C’était incroyable ! Les gens se jetaient dans le port, il y avait des fumigènes… C’est des images que je ne peux pas oublier.
Tu conseillerais à un joueur de rejoindre l’Olympique de Marseille ?
Pas besoin de le conseiller ! Tous les joueurs le savent, ne serait-ce que quand ils viennent jouer au stade, en tant qu’adversaire, ils ressentent l’ambiance. Alors lorsque tu es joueur c’est ton quotidien : il y a le stade mais aussi la ville. À Marseille, le foot c’est une religion. Tout le monde vit pour lui. Je suis totalement d’accord avec André-Pierre Gignac lorsqu’il dit « Si tu es joueur et que tu as l’opportunité de porter le maillot de l’OM, il faut le porter ».
Qu’est-ce qui t’a le plus marqué au Stade Vélodrome ?
Une fois, on jouait contre le Paris Saint-Germain et avant le match c’était hallucinant… Le stade était plein à craquer, ça criait dans tous les sens et, dès l’échauffement, on sentait que ça allait être particulier. Quand la situation sportive est bonne c’est dingue mais quand les résultats ne sont pas là tu le ressens aussi. Mais c’est ça qui fait que tu kiffes car quand tu es joueur de l’Olympique de Marseille tu sais que tu dois être à 100%
Un mot sur Pape Diouf… Quel lien entretenais-tu avec lui ?
Avec Pape j’avais une relation presque père-fils. Il avait toujours de bons conseils à me donner et lorsque j’avais besoin de quelque chose je l’appelais. Ce que j’aimais chez lui c’était son honnêteté. C’était mon exemple. Et puis c’est lui qui m’a fait venir à Marseille peu de temps avant son départ de la présidence du club en 2010. Mais même avant cela nous étions proches et nous déjeunions ensemble parfois avec lui et Mamadou Niang. Par exemple, un jour au restaurant, je sortais de ma première année avec Bordeaux et le FC Séville voulait me faire signer chez eux. J’ai profité de l’occasion pour demander à Pape ce qu’il pensait de cette offre. Il m’a dit : « Séville c’est un bon club mais pour l’instant reste à Bordeaux ». Peut-être qu’il avait déjà l’idée de me faire signer à l’OM dans un coin de sa tête… (rire)