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Manouvrier : « Mon entretien avec Eric Gerets a duré 15 minutes »

Préparateur physique de l’Olympique de Marseille entre 2008 et 2017, Christophe Manouvrier est l’une des figures historiques du club.  Aujourd’hui dans le staff de la sélection marocaine avec Vahid Halilhodzic, il a grandement contribué au doublé Coupe de la Ligue – titre de champion de France en 2010. Vainqueur de la CAN en 2017 avec le Cameroun, il explique pour Peuple Olympien sa méthode de travail et il partage ses conseils de préparateur en cette période de crise sanitaire. L’occasion aussi d’évoquer son passage à l’OM, et notamment son entretien de recrutement avec Éric Gerets, l’arrivée de Didier Deschamps et sa collaboration avec Joey Barton. Entretien…

Quelle est la mission principale d’un préparateur physique ?

La mission du préparateur physique, c’est de donner chaque weekend le plus de choix possible à l’entraîneur au niveau des joueurs, et que ces derniers puissent répondre aux exigences physiques du championnat, mais aussi et surtout de répéter ce niveau de performance tout au long de la saison. L’objectif est à la fois simple et difficile. Car la performance des joueurs est multifactorielle et le travail se fait en symbiose avec la structure médicale, les adjoints et l’entraîneur, qui est le boss.

Gérer un joueur c’est « facile ». Comment fait-on pour que la condition physique d’un groupe entier soit optimale ?

Pour cela, on ne peut pas être seul. Un ou deux préparateurs pour une équipe me semble déjà très insuffisant. Il faut un responsable de la performance, des adjoints et un suivi bien établi pour chaque joueur avec une grille commune de lecture individuelle mais adaptée à ses variables physiologiques. Le but du jeu est que le joueur soit performant. Le coach a son projet de jeu et le préparateur physique doit faire coïncider les qualités physiques au poste avec ce projet de jeu. Il faut individualiser au maximum.

Les nouvelles technologies vous sont-elles très utiles ?

Énormément. Les nouvelles technologies sont très nombreuses, mais si vous n’avez pas une bonne grille de lecture d’activité football, la technologie ne va pas vous servir à grand-chose. En revanche, si vous êtes capable d’interpréter cette grille de lecture en fonction des postes, vous allez vous orienter naturellement vers des technologies spécifiques. Par exemple, le GPS : vous disposez d’une quantité de données impressionnante, mais la question est de savoir lesquelles vont vous intéresser. À quoi va me servir cet outil ? Qu’est-ce que je vais faire de ces données ? L’idée, c’est de ne pas se perdre.

On dit souvent que les préparateurs physiques sont les ennemis des footballeurs. À titre personnel, quelle est la « méthode » Christophe Manouvrier ? Plutôt cool ou plutôt dure ?

Je ne pense pas qu’il y ait de « méthode » Manouvrier. Tous mes programmes sont établis avec les coaches selon leur projet de jeu. Ensuite, il y a la volonté du joueur car s’il veut être bon sur le terrain, il a l’obligation d’être prêt physiquement. C’est aussi une affaire de relation de confiance réciproque. Parfois, il faut savoir écouter. La technologie aide formidablement à la gestion de la charge de travail mais la fatigue mentale, lorsque vous jouez tous les 3 jours, est difficile à gérer.  C’est là où les discussions avec certains joueurs sont importantes. Parfois des joueurs référents comme, André-Pierre Gignac ou même Benoit Cheyrou venaient me demander s’il était possible de décaler une séance car le groupe n’était pas bien. Après discussion avec l’entraîneur et le médecin, il nous est donc arrivé de modifier les contenus. Le domaine athlétique, ce n’est pas une corvée. C’est l’outil essentiel pour qu’un joueur puisse exploiter tout son potentiel de footballeur. La quantité de temps où un joueur va toucher le ballon pendant un match n’est pas énorme, alors, si en plus il ne se déplace pas, ça va être compliqué pour lui.

Avec la crise sanitaire actuelle, l’intégralité du football mondial est à l’arrêt. Quels sont les risques pour les joueurs sur le long terme ? 

Pour moi, la question la plus importante c’est : que font les joueurs pendant le confinement ? Je discute avec des joueurs que j’ai côtoyés et tous me disent que les clubs ont mis en place des programmes. À la fin du confinement, il faudra faire un état des lieux des joueurs, car pendant cette période, il y a un risque de prise de poids, un risque de perte musculaire… La qualité musculaire des joueurs devra être très surveillée selon moi. Il faudra également orienter le travail de manière individuelle. Pour la sélection du Maroc, nous avons mis en place une plateforme sur laquelle nous envoyons des programmes variés avec notamment du renforcement musculaire et de la prophylaxie pour la prévention des blessures.

Certains championnats comme l’Italie ou l’Allemagne sont susceptibles de reprendre avec un rythme de deux matches tous les 3 jours. Est-ce raisonnable selon vous ? 

Selon moi, il est difficile de commencer par 3 matches par semaine en plein mois de juin et juillet. Ce n’est pas possible, il faut laisser du temps au temps. Concernant la chaleur, les matches doivent être programmés le soir et sûrement pas à 15h comme nous le voyons chaque année au mois d’août et septembre. C’est complètement aberrant pour le spectacle et l’intégrité physique des joueurs. C’est très dur pour eux car il y a un risque de déshydratation et donc de blessure.

Vous avez été le préparateur physique de l’OM entre 2008 et 2014. Comment un préparateur physique est-il recruté ?

J’étais au Sporting Club d’Amiens et les dirigeants venaient d’obtenir le prêt de deux jeunes joueurs de l’OM. Il y avait de bons rapports entre les deux clubs et Christophe Baudot, l’ancien docteur de l’OM, avait laissé entendre que le club envisageait un changement au niveau du staff physique. Il me contacte et je me mets rapidement d’accord avec lui. Mais la dernière condition pour que je rejoigne Marseille, c’était l’aval de l’entraineur de l’époque, Éric Gerets. J’ai pris le train depuis Amiens pour le rencontrer à Bruxelles avec tous mes documents à la main… Lorsque je le rencontre, il me paye une coupe de champagne. Je commence à lui expliquer ma méthode de travail et là, il m’arrête et me dit : « Je n’ai pas besoin de savoir comment tu travailles. Le doc m’a dit qu’il fallait qu’on te prenne. Moi, je voulais voir ta tête pour savoir si je pouvais travailler avec toi ». Ça a duré 15 minutes ! Suite à cela, il m’a donné rendez-vous le 25 mai au centre Robert-Louis Dreyfus et mon aventure avec l’OM a commencé.

C’est comment de travailler avec Éric Gerets ?

J’ai adoré travailler avec lui ! C’est un super bonhomme, un meneur d’hommes. Le technicien est très bon mais je retiens surtout de lui son côté humain, car il arrivait à manager son staff et les joueurs avec beaucoup d’intelligence. Il arrivait à tirer la quintessence des joueurs d’un point de vue tactique, physique, psychologique… C’est une personne juste et il sait reconnaitre ses erreurs. Avec tout ça, nous avions envie, le staff et le groupe, de tout lui donner. À l’entrainement, je dois avouer que c’était parfois compliqué lorsqu’il décidait que la séance se terminait avec un « But en or » (rire). Il nous faisait un clin d’œil avec le médecin, car il savait que ça allait partir dans tous les sens en faisant ça.

Il vivait également une relation particulière avec les supporteurs…

Oui, c’est vrai, et je garde de lui une image assez forte en tête. En 2008, nous sommes allés jouer l’Atletico Madrid en Ligue des champions (défaite 2-1) et le contexte avait été particulier ce jour-là dans le stade (le parcage des supporteurs marseillais a été chargé et gazé de lacrymogène par les forces de l’ordre espagnoles). Cela s’est poursuivi dehors au moment où nous prenions le bus pour repartir à l’aéroport, avec un supporteur marseillais en fauteuil roulant qui s’est retrouvé bloqué violemment par un policier à cheval. Le coach a vu ça et il est descendu immédiatement du bus pour repousser le cheval et le policier. Éric Gerets, c’est ça : l’humain.

Didier Deschamps a été son successeur. Comment s’est faite la transition ?

Plutôt bien puisque nous avons été champions de France. J’ai aimé travailler avec les deux entraîneurs, mais ce sont deux personnes totalement différentes au niveau de la gestion humaine et du caractère. Le point commun que je vois entre ces deux grands coaches, c’est la construction d’un vestiaire et ça, c’est la base d’une équipe.

En tant que préparateur physique, vous avez été l’un des artisans du titre de 2010. Racontez-nous la préparation de cette saison avec notamment un gros recrutement ?

À l’été 2009, Didier Deschamps est arrivé avec des objectifs bien précis et des méthodes différentes de celles que nous avions connues les mois précédents. Avec le staff, nous avons donc mis les choses en place et nous avons vu arriver des grands joueurs comme Lucho Gonzalez, Gabriel Heinze, Fernando Morientes, etc. Ces joueurs sont, de par leur nature, très orientés vers le travail donc à partir de là, le tempo était donné et a servi d’exemple au reste du groupe. Cela collait parfaitement avec le cadre de travail que Didier Deschamps voulait mettre en place. Avec des joueurs de ce type-là, c’est plus facile pour le staff.

Le recrutement était conséquent mais l’équipe était mal en point à la trêve… Quel a été le déclic de cette équipe ? 

Au moment de la trêve, l’équipe s’est retrouvée très loin de ses objectifs. Nous étions 9èmes au classement. Certains au sein du club continuaient à évoquer le titre et des leaders du vestiaire, comme Souleymane Diawara, ont pris la parole pour cadrer les choses et dire que l’équipe était ridicule, qu’il fallait se mettre au travail et prendre les matches les uns après les autres. Ce déclic est venu des joueurs eux-mêmes et c’est à partir de là que psychologiquement, l’équipe est partie dans une nouvelle dimension.

Pendant votre passage à l’OM, vous avez également côtoyé Joey Barton

J’ai adoré travailler avec ce mec. Il était très porté vers une méthode de travail à l’anglaise, c’est-à-dire que ça envoyait du bois à l’entrainement ! Avec lui, il n’y avait pas d’arrangement. Entrainement ou non : un match c’est un match. Il faut le gagner et mettre tous les ingrédients nécessaires pour cela. Il était à 200% tout le temps et il a tiré l’effectif vers le haut avec d’autres membres du groupe comme André-Pierre Gignac et Benoit Cheyrou.

Comme évoqué, vous avez eu l’occasion de collaborer des joueurs étrangers comme Joey Barton, Gabriel Heinze ou encore Lucho Gonzalez. Il y a une différence de mentalité entre les footballeurs français et les joueurs étrangers ?

Si on écoute les paroles de Carlo Ancelotti, on va dire qu’il y en a. Moi, je ne pense pas. Je pars du principe qu’un club, c’est une institution et rien ne doit être au-dessus de l’institution. À partir de là, lorsqu’on est sur le terrain, on doit travailler, point barre. Le joueur a des droits et des devoirs comme tout salarié du club ! C’est donc aux clubs de leur montrer qu’ils ne sont pas au-dessus de tout pour qu’il y ait un investissement total. Après, il existe des petites subtilités dans les approches du travail, que l’on soit Argentin, Français ou Anglais… Mais c’est une éducation à donner aux joueurs. C’est de la responsabilité des clubs et tout part du centre de formation, où il faut poser les bases de travail.

En 2014, Bielsa arrive avec son staff et vous intégrez la préparation des jeunes du centre de formation. Que retenez-vous de cette expérience ?

Lorsque j’étais avec les professionnels, j’avais déjà un œil sur ce qui se passait du côté du centre car l’objectif pour un club comme l’OM, c’est de sortir des joueurs ! Donc par rapport aux exigences du monde professionnel, il fallait construire le projet athlétique des jeunes, donner des consignes aux entraîneurs, etc. Alors, lorsque je me suis retrouvé à la formation, j’ai eu plus de temps pour mettre en place le cadre idéal pour les futurs joueurs professionnels de l’Olympique de Marseille. J’y ai pris beaucoup de plaisir et nous avons fait une finale de coupe Gambardella en 2017, avec des joueurs comme Florian Chabrolle ou Lucas Perrin.

Quel regard portez-vous sur ce qui se passe actuellement au centre de formation de l’OM ?

En étant au Maroc, plusieurs personnes de la DTN m’ont parlé de Nasser Larguet (le responsable du centre de formation de l’OM depuis 2019). Il est reconnu pour sa compétence et ses qualités humaines. En dehors de la sélection marocaine, je fais de l’entrainement personnel avec des joueurs et l’un d’eux m’a dit en juin dernier « Tu sais qui est la meilleure recrue à l’OM à ce jour ? Nasser Larguet ». Des échos que j’ai, c’est très positif. Autre donnée importante, la mise en place des partenariats avec des clubs locaux. C’est une très bonne chose car le bassin de jeunes joueurs y est très intéressant. Tous aiment l’OM et il ne faut pas qu’ils partent à Lyon ou Montpellier.

Vous semblez marqué par votre passage à l’OM…

Moi, je ne suis pas marseillais mais l’OM, c’est mythique. Ça m’a marqué évidemment et c’est clairement mon club de cœur. Il m’a tout donné ! Ce qui est extraordinaire avec l’OM, c’est le retour sur investissement. Avec les marseillais, si vous mouillez le maillot, la ferveur prend et ils vous le rendent. Mais il faut tout donner. Au niveau du staff c’est la même chose ! Ce qui m’a marqué, c’est aussi les matches de préparation estivale, où certains supporteurs passent leurs vacances d’été à suivre l’équipe dans des petits stades municipaux. C’est très prenant.

Pour finir, quels sont vos objectifs avec la sélection marocaine ?

Partout où je passe, ce qui m’intéresse, c’est gagner ! Je ne suis pas quelqu’un qui passe de club en club ou de sélection en sélection. Ce que je souhaite, c’est laisser une trace dans cette équipe nationale du Maroc, donc ça passe par des résultats à la CAN en 2021 et la qualification à la Coupe du monde en 2022.

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